Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on le fait venir de Manosque. Un peu avant cette date, la balance de son compte courant constate que, malgré toutes les dépenses que nous venons d’énumérer et la modicité de ses gages, elle a droit à plus de 200 livres d’économie que ses maîtres lui doivent.

À cette époque, les servantes n’étaient point gâtées. Dans plus d’une famille, on suit les traditions de la Comtesse d’Escarbagnas on s’indemnise de la casse sur les gages, et dans les réunions auxquelles nous avons fait naguère allusion et qui se prolongeaient fort tard, la servante qui s’endormait sur son ouvrage recevait de sa maîtresse, sous forme d’avertissement, un coup de baguette sur les doigts pour réveiller son activité.

Les du V... possédaient un petit domaine à la T... de B..., la seconde commune que nous avons parcourue. Le granger dudit bien qui le cultivait en compagnie de sa femme recevait 18 écus par an, son blé, son sel, son huile, un modeste capital de volaille, une énorme provision d’ail dont souvent il tirait l’unique assaisonnement de son pain. L’entrée en fonctions des fermiers et valets ruraux était fixée à la Saint-Barthélémy, date qui persiste encore, car nous avons pu constater par nous-même que, ce jour-là, la route de la vallée du J... est sillonnée de charrettes de déménagement. Bien entendu, l’homme arrêté quelques semaines à l’avance, après conclusion du marché, recevait des arrhes : un écu de six livres dans le cas particulier qui nous occupe. Encore était-il stipulé que ce modeste acompte serait restitué si l’homme venait à décéder avant l’entrée en fonctions !

Passons à la période qui coïncide avec le milieu du XIXe siècle ; restons dans le même village, et reportons-nous en imagination vers les dernières années de Louis-Philippe, près de l’école, un jour d’hiver. Les enfans y affluent nombreux, car les travaux des champs sont nuls dans cette saison ; tous les âges d’écoliers jusqu’aux futurs conscrits de la classe prochaine y sont représentés ; tous les sexes aussi, quoique, après seize ans, les fillettes soient occupées chez elles. Toute cette jeunesse semble robuste et saine ; toutefois, quelques physionomies font tache. Ce sont des enfans trouvés que la ville de Marseille envoie à la montagne ; le bébé étranger est nourri dans la famille, y grandit et, quelquefois adopté par elle, se fixe souvent dans le pays. Excellent supplément de population, propre à compenser les perles dues à l’émigration, disent les uns. Gain, soit ! répliquent