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exemple, vers l’extrême Sud de la Haute-Provence, on éliminait les vignes des coteaux au profit des oliviers et on les entassait dans la plaine pour récolter des produits très médiocres, mais abondans, comme aujourd’hui on tend à faire de plus en plus en Bas-Languedoc. Ailleurs, la vigne, au lieu de dégringoler sur place, émigrait en quelque sorte, en disparaissant d’elle-même des parties basses des vallées de grandes Alpes à mesure que se perfectionnaient les moyens de communication, et tel était le cas de la vallée de Barcelonnette aux approches de la Durance où malgré tout, le raisin, mûrissant mal, ne donnait pas d’aussi bons produits que les vins importés de Riez, de Digne ou des Mées.

Soixante années plus tard, l’invasion de l’oïdium a fait renchérir les prix, et le taux maximum de vente s’enfle jusqu’à 45 francs l’hectolitre (Enquête agricole de 1866). Alors la vigne s’est propagée d’autant plus, dans la partie moyenne et basse du département, qu’elle n’exige presque d’autre dépense que le travail personnel du cultivateur, travail qu’il ne ménage pas, car il est laborieux, mais qu’il ne compte pas comme avance. Plus tard, lorsque l’oïdium est vaincu, les yeux des paysans se dessillent, et le charme tombe lorsqu’ils s’aperçoivent qu’ils ont trop planté, trop recherché la quantité, et que leurs vins ne supportent pas le transport vers la Basse-Provence. A la fin du second Empire, les frais de culture à l’hectare s’élèvent à 350 francs pour un rendement moyen de 30 hectolitres. Le prix de l’hectare de vignes est de 3 000 francs (déposition d’un agriculteur de Manosque).

Cette difficulté, le phylloxéra, en foudroyant tous les vignobles, se chargea de la trancher. La reconstitution s’est opérée depuis, mais lentement et péniblement ; si beaucoup de terrains trop calcaires se montrent rebelles à porter du Riparia, beaucoup de vignerons se montrent encore plus réfractaires à la greffe et ne peuvent pas accepter l’idée de mieux soigner les vignes que leurs prédécesseurs. Un bon producteur direct aurait admirablement fait l’affaire des paysans de Valensolle et de Riez, et le Jacquez y a joui d’une grande vogue ; mais il ne peut se vinifier seul, sans mélange d’autres grappes, à moins de prendre des précautions, peu compliquées, il est vrai, mais dont jamais un bon paysan de la Haute-Provence ne se souciera[1].

  1. Il existe dans les Basses-Alpes quelques très grands domaines viticoles admirablement tenus et munis décavés perfectionnées ; mais possédés ou dirigés par des étrangers à la région, ils ne sauraient entrer en ligne de compte ici.