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Pour l’olivier, par cela même que, dans la vallée moyenne de la Durance, il n’est pas tout à fait à sa place, il y a souvent, aux XVIIIe et XIXe siècles, échappé aux froids rigoureux qui ont ravagé des plantations plus méridionales. Paradoxe que cette affirmation, mais stricte vérité. Le végétal a peut-être subi une sorte d’adaptation progressive, le rendant plus robuste ; ou peut-être aussi il brave mieux le froid parce qu’on l’installe alors à des expositions exceptionnellement favorables. L’huile du pays est excellente ; on la vend bien à tort sous le nom d’huile d’Aix, car elle égale cette dernière, si elle ne la surpasse, quand elle est authentique. Nous avons connu des gourmets à la fois très connaisseurs et très riches, qui, pouvant choisir leur huile « à carafe » dans différentes régions du Midi, préféraient ne consommer que celle des Basses-Alpes. Et ils avaient parfaitement raison. Ajoutons qu’il y a quarante ans un hectare d’oliviers rendait presque sans frais environ 300 francs brut.

Depuis de longues années, les arbres fruitiers ont constitué dans les Basses-Alpes un sérieux apport d’aisance, sinon de richesse et, frais ou secs, les fruits y sont délicieux. Si la place ne nous manquait, nous reproduirions d’après l’abbé Laurenzi, l’historien de Castellane, l’idyllique tableau de la cueillette des prunes aux environs de cette ville en plein XVIIIe siècle. Darluc est assez connaisseur pour apprécier les prunes de Digne qui, sous la fallacieuse étiquette de « brignoles, » se transportaient jusqu’en Amérique. Leur commerce enrichissait la ville de 25 000 livres par an à son époque.

Comme alors, on distingue à présent les « pistoles » dont le noyau a été expulsé, des prunes pelées et des pruneaux proprement dits. Ceux-ci proviennent des prunes violettes cueillies en août, — sans accompagnement de chants, tambours, ni flageolets nous le craignons bien, — échaudées à deux ou trois reprises par immersion dans l’eau bouillante, et entassées dans des séchoirs sur des claies ou « canisses. » Très communs dans le pays de Digne, ces « séchoirs, » même neufs, ont un aspect de délabrement qui sent la ruine ; ils ne contribuent point à embellir les fermes de la région. Même en fait de prunes, plus de gaieté ni de poésie au XXe siècle ! Quant aux fruits destinés à s’entasser dans des boîtes sous forme de pistoles, ils sont d’abord pelés avant d’être séchés et nous ne décrirons pas l’opération qui a pour but de supprimer le noyau et d’aplatir le fruit sec :