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ces dames ont installé une nursery et des dortoirs de bébés.

Voici des secrétaires, des drogmans, des journalistes. Chacun apporte une nouvelle. Yldiz est cerné… Le Sultan est enfermé avec le grand. vizir. Une partie de ses prétendus fidèles, les gens qui vivaient de lui, l’ont abandonné… À Stamboul, les garnisons de la Sublime-Porte et du ministère des Travaux publics se sont rendues…

C’est donc fini ?… Non, personne ne veut croire que ce soit fini… Yldiz réserve peut-être des surprises. Les dames affirment qu’elles n’ont pas confiance et qu’elles ne rentreront pas chez elles.

On raconte des épisodes de la bataille qui a été meurtrière, puisque l’on évalue à deux mille, — sinon plus, — le nombre des morts. L’hôpital français de Péra, qui est tout voisin de la caserne des sapeurs-pompiers et de la caserne du Taxim, a reçu quantité de balles, et des passans ont été tués dans les rues d’alentour. Deux journalistes, — un Anglais et un Américain, — étaient allés, avec leurs appareils photographiques, s’installer dans une ruelle latérale, où les soldats croisaient leurs feux. Abrités par un pan de mur, ils attendaient l’instant propice pour prendre des instantanés, mais l’un d’eux, M. Booth, ayant avancé un peu la tête, fut touché à la nuque et tomba.

Son ami, M. Moore, le tira par les pieds, tant bien que mal, pour le ramener à l’abri du mur, et, ce faisant, perdit son chapeau et sa canne, qui roulèrent à quelques pas. Quand M. Booth fut étendu contre la muraille, M. Moore, au lieu de rester coi, perdit tout sentiment du danger, et, peut-être inconsciemment, s’avança à son tour dans la zone dangereuse pour ramasser sa canne et son chapeau… Une seconde balle l’étendit à côté de son camarade.

On avait annoncé la mort de ces deux victimes du devoir professionnel, mais le docteur de Lacombe, chirurgien en chef de l’hôpital, arrive et nous rassure. Les deux journalistes, assez gravement blessés, ne sont pas en péril, et il leur restera, de cette aventure, un prestige accru auprès de leurs directeurs et de leurs lecteurs… Il faut dire, à l’honneur de la corporation, que tous les reporters présens à Constantinople ont montré une magnifique crânerie, qui leur paraît, d’ailleurs, toute naturelle et dont ils ne tirent pas vanité… C’est le métier qui veut cela.

Le docteur de Lacombe affirme qu’« ils ont été épatans, »