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et ses subordonnés, dit-il, ergotent sans cesse contre Bismarck et trouvent à reprendre à tout ce qu’il fait. Ces deux grands hommes sont difficiles à concilier et le grand mérite de l’Empereur est d’arriver à force d’amabilité et de tact à contenir ces deux messieurs dans de justes limites. » Le prince reconnaît que le chancelier traite tout avec une certaine brutalité. « C’est ce qui lui donne cet énorme prestige aux yeux des vieux diplomates timorés du reste de l’Europe. Cette brutalité, il l’a eue de tout temps. Mais aujourd’hui s’y ajoute encore l’éclat de ses grands succès qui font de lui la terreur des diplomates ! » Dans des confidences faites à haute voix, Bismarck avoue que le seul moyen de germaniser l’Alsace, c’est de soustraire les écoles à l’influence cléricale, « car le clergé, lui, travaillera toujours au profit de la France. » Cet aveu doit être enregistré. C’est la meilleure réponse à faire à ceux qui ne craignent pas d’accuser le clergé catholique de pactiser avec les Allemands. Hohenlohe seconde de toutes ses forces la politique sectaire de Bismarck et approuve le Kulturkampf. Il attaque les Jésuites au Reichstag, et le chancelier le félicite publiquement de penser à interdire par une loi à cette société le droit de fonder des établissemens, d’exercer des fonctions ecclésiastiques, de se vouer à l’enseignement et trouve naturel de priver de ses droits civiques tout Allemand inféodé à cet ordre. Le 17 juin 1872, cette loi était votée. La princesse royale se plaint au prince Clovis de la politique anti-religieuse du gouvernement et regrette qu’on veuille peser sur l’instruction populaire. « Je compte, dit-elle, sur l’intelligence du peuple, c’est une puissance. — La sottise humaine en est une bien plus grande, » crut devoir répondre Hohenlohe. Et de fait, il put s’apercevoir bientôt que chez les grands, plus encore que chez les petits, cette sottise était prépondérante. C’est ainsi qu’il entendait l’historien Henri de Sybel lui dire naïvement : « . Comment supposer que les évêques auront le courage de braver Bismarck ? »

Le chancelier, qui connaissait toute l’admiration de Hohenlohe pour sa personne et pour sa politique, lui offrit, en 1873, l’ambassade de Londres, puis, en février 1874, celle de Paris, où il devait remplacer le comte d’Arnim qui, suivant lui, avait eu le grand tort de n’avoir pas soutenu M. Thiers. Bismarck disait alors au prince Clovis : « En se consolidant, la France trouvera plus facilement des alliés. Thiers en était moins capable ; par