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l’honneur de Mandrin. Il détestait la religion et les prêtres. Chevrier était franc-maçon et athée. Ses « Réflexions sur l’argument de M. Pascal et de M. Locke concernant la possibilité d’une vie à venir » et ses « Réflexions sur l’existence de l’âme et sur l’existence de Dieu, » qu’il nie l’une et l’autre, sont d’une singulière hardiesse pour l’époque ; au reste, d’une pensée souple et pénétrante et d’un style entraînant.

Chevrier fit mieux que des comédies et des pamphlets pour défendre ses convictions. En 1753, il publiait ses Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres de Lorraine et, en 1758, son Histoire générale de Lorraine et de Bar, que quelques critiques modernes ont été jusqu’à placer au-dessus de l’œuvre magistrale de dom Calmet.

C’est sur la fin de 1752 que Chevrier nous apparaît pour la première fois comme nouvelliste, fréquentant les cafés, celui de Curé notamment, pour nourrir ses bulletins des propos qu’il y peut glaner : ce qui lui vaut d’être mis en observation et ce rapport de l’inspecteur Meusnier :

« Depuis son retour à Paris, il n’y a pas de femme qui ne se plaigne de lui ; il est dangereux dans la société, mauvais plaisant, n’épargnant pas ses meilleurs amis, se donne pour un homme de qualité riche. »

En décembre 1752, Chevrier proposa donc à un nouvelliste à la main. Du Thuillé, de s’associer pour publier en collaboration une feuille de « gazettes secrètes, » qui serait plus particulièrement « un ouvrage polémique, » — voilà le pamphlétaire. Chevrier fournirait les « mémoires » à raison de dix-huit livres que Du Thuillé lui remettrait à chaque ordinaire, puis Du Thuillé composerait la feuille, l’expédierait et recueillerait les abonnemens. Un Petit Père de la place des Victoires devait assister ce dernier dans sa besogne. Le prix de souscription, relativement modéré, fut fixé à trente-six livres par an. Le journal serait appelé le Courrier de Paris et les deux collaborateurs en firent imprimer le titre sur des feuilles blanches, le reste en devant être rempli à la main.

Chevrier rédigea un prospectus, qui est conservé. En voici les premières lignes :


Offrir un ouvrage polémique dans un siècle qui abonde en feuilles de cette espèce, c’est courir, dira-t-on, une carrière très rebattue, et risquer par là de n’être pas lu. Cette réflexion est juste et on se garderait bien de