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L’abus est porté au point que les abonnés eux-mêmes en font commerce et que les bureaux de ces nouvelles se multiplient dans Paris… »

En janvier 1766, Bachaumont s’adjoignit comme collaborateur, pour la rédaction des bulletins, Pidansat de Mairobert. C’était un curieux esprit, né à Chaource, en 1727. On le disait fils de Bachaumont et de Mme Doublet, une absurdité. Le 2 juillet 1749, il avait été conduit à la Bastille pour avoir récité dans les cafés et les promenades de Paris des vers séditieux. À cette époque, âgé de vingt-deux ans, Mairobert nous apparaît comme un jeune homme épris de littérature, d’indépendance, très frondeur, attaquant les ministres, Mme de Pompadour, le Roi lui-même ; il est très fier de nouer des relations avec les écrivains en renom ; il colporte leurs œuvres, dont il lit ou récite des fragmens inédits à qui veut les entendre : nouvelliste de Parnasse, poète sans éditeur, écrivain dramatique sans théâtre. Il se prend d’une vive admiration pour Rétif de la Bretonne ; quant à sa famille, il la fuit : des bourgeois qui voudraient faire de lui un magistrat ou un financier.

L’inspecteur d’Hémery l’a suivi au café Procope : « Ce Mairobert, écrit-il, est un des garçons de Paris, qui aient la plus mauvaise langue. » L’auteur de l’Histoire privée du règne de Louis XV, Moufle d’Angerville, le dépeint ainsi :

« Pidansat de Mairobert, vif et souple, intrigant et hardi-parleur caustique, oracle des foyers de la Comédie, courtisan des lieutenans de police, habile à changer de masque et à se faufiler chez les grands, nous figure assez bien un diminutif de Beaumarchais. Remuant comme ce modèle, il lui manque cependant la verve étincelante, le turbulent génie du grand charlatan. »

Mairobert conserva jusqu’aux derniers jours l’esprit critique qui l’avait caractérisé dans sa première jeunesse. C’est sous son influence que l’œuvre collective, dirigée par Bachaumont, prendra bientôt un tour agressif. En lui aussi le nouvelliste se double d’un pamphlétaire. Il est l’auteur des Anecdotes de Mme du Barry, qui eurent tant de retentissement sur la fin de l’ancien régime, anecdotes dont un grand nombre avaient circulé comme nouvelles à la main. Enfin, non content de poursuivre l’œuvre de Bachaumont, après la mort de ce dernier, il rédigera pour son propre compte un service de nouvelles à la main, âpres, satiriques, animées déjà de l’esprit révolutionnaire, qui se répandront en se