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partout ne justifie les plaintes des pauvres dont vous dissipez le patrimoine, que cette magnificence qui éclate en vos bâtimens, que ce luxe qui paraît en vos meubles, que cet excès qui se voit en votre table, ne vous accusent devant le souverain évoqué de vos âmes ? »

Et Bourdaloue visant le clergé tout entier, du moins sans acception de degré, tout ce qui dans le clergé se ressentait de ce relâchement général, et se couvrant de l’autorité de saint Bernard et de saint Jean Chrysostome : « Le beau spectacle, disait saint Bernard, de les voir engagés dans l’Église, pourquoi ? pour en recueillir les revenus, pour se montrer sous la mitre et sous la pourpre, jamais pour servir à l’autel, jamais pour assister à l’office divin, jamais pour subvenir aux besoins des pauvres… Être prêtre et même, si vous voulez, grand prêtre, et ne paraître à l’autel qu’à certains jours de cérémonie, qu’en certaines occasions d’éclat, que lorsqu’on ne peut s’en dispenser ; être prêtre et s’abstenir des choses saintes pour mener une vie toute profane, pour entretenir dans le monde de vains commerces, pour se dissiper dans les divertissemens du siècle ou plutôt mener une vie dissipée, mondaine, profane ; être prêtre et se mettre par sa conduite hors d’état de célébrer les sacrés mystères ; être prêtre de la sorte, ah ! mes frères, s’écriait saint Jean Chrysostome, est-il rien de plus opposé à la dignité du sacerdoce ? »

Ils sont socialistes. Contre l’injuste et funeste inégalité des biens de ce monde, ils disent ; Bossuet : « Quelle injustice, mes frères, que les pauvres portent tout le fardeau et que tout le poids des misères aille fondre sur leurs épaules ! S’ils s’en plaignent et s’ils en murmurent contre la Providence divine, Seigneur, permettez-moi de le dire, c’est avec quelque couleur de justice ; car, étant tous pétris d’une même masse et ne pouvant pas y avoir de grandes différences entre de la boue et de la boue, pourquoi verrions-nous d’un côté la joie, la faveur, l’affluence, de l’autre la tristesse, le désespoir et l’extrême nécessité, et encore le mépris et la servitude ? Pourquoi cet homme fortuné vivrait-il dans une telle abondance, et pourquoi contenter jusqu’aux désirs les plus inutiles d’une curiosité étudiée ; pendant que ce misérable, homme toutefois aussi bien que lui, ne pourra soutenir sa pauvre famille ni soulager la faim qui le presse ? »

Bossuet encore : « Les murmures des pauvres sont justes. Pourquoi cette inégalité des conditions ? Tous formés d’une