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pendu pour brigandage. Elle raconte elle-même, — à quelque charitable bienfaitrice qui vient adoucir ses derniers jours, — elle rapporte dans son simple langage, prolixe et comme tremblant des émotions de son âme, tout coupé d’interrogations et d’exclamations, comment le dernier cri de son enfant continuait de retentir à ses oreilles. « Mère ! ô mère ! » Le geôlier l’avait jetée dehors et le jeune homme avait été attaché si haut « que tous les navires du monde pouvaient le dévisager en passant. » Et elle entendait toujours le cri ; on eut beau l’enfermer, l’attacher sur son lit, la battre :

« Vous comprenez que je ne pouvais pas ne pas entendre ; et à la fin on trouva que j’étais devenue si stupide, si paisible, qu’on me remit dehors ; mais ils avaient fait ce qu’ils voulaient.

« La chair de ma chair était partie, mais il restait les os de mes os ; je les dérobai aux gens de loi. — Dites : appellerez-vous cela un vol ? — Mon bébé, les os qui ont sucé ma poitrine, les os que j’ai vus rire et pleurer — à eux ? Oh ! non, ils sont à moi, non pas à eux ; ils ont remué dans mon flanc… »

Elle a donc attendu les nuits de vent et de pluie, les nuits d’orage ; elle est sortie dans la rafale quand personne ne pouvait la voir ; elle a ramassé un à un chaque ossement tombé ; elle a baisé ces débris, ces reliques : elle les a ensevelis en terre sainte, pas bien profond, car ses vieilles mains ne peuvent pas creuser beaucoup le sol. Maintenant, elle est plus tranquille : son Willy pourra se lever tout entier quand sonnera la trompette du Jugement. Elle a confiance : elle a vu dans sa Bible que « le Seigneur est plein de compassion et de miséricorde. Oui, oh ! oui ; et si l’homme de loi n’est venu au monde que pour mettre à mort, le Sauveur ne vit que pour bénir. » Sa foi la soutient maintenant. Election, Réprobation, tout cela est très bien, mais elle n’a pas peur de trouver son fils en enfer. « J’ai pris tant de souci de mon enfant que le Seigneur a regardé dans mon souci, et il me fait entendre que je suis sûre d’être heureuse avec Willy, je ne sais pas où. » Qu’on ne lui dise pas qu’il est perdu et qu’elle doit penser à son propre salut : s’il est perdu, lui, que lui importe son âme à elle ? Un peu plus, elle s’indignerait : « Vous n’avez jamais porté un enfant, vous êtes juste aussi dure qu’une pierre. » Comme tout cela est humain, d’une humanité poignante ! La voilà qui se reprend : « Madame, je vous demande pardon ! Je pense que vous parlez pour mon bien ; mais je ne puis entendre