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variations successives ! L’essai plusieurs fois répété en Amérique et en Belgique de faire écrire, à un moment donné, aux enfans d’une même classe ce qu’ils voudraient être et quel est le personnage auquel ils voudraient ressembler, peut être pour le professeur un amusement innocent. Il n’aurait de valeur sérieuse qu’à la condition d’être répété souvent, et encore faudrait-il être sûr de la sincérité des réponses. Tout petit, l’enfant a un idéal conforme à ce que lui suggèrent ceux de ses premiers livres qui l’ont amusé. Quels sont les petits garçons qui n’ont pas voulu être soldats, ou marins, ou explorateurs, ou ingénieurs, suivant les jouets qu’on leur donnait ? Une fillette de cinq ans, qui jouait encore aux poupées et se figurait sans doute la famille comme un prolongement de cette heureuse illusion, s’écriait tout d’un coup, comme après des réflexions dont elle ne voulait point faire part : « Elle est bien heureuse, Mme de J…, elle a beaucoup de petites filles ! » Celle qui poussait cette exclamation naïve n’en déclarait pas moins, douze ou quinze ans plus tard, sa volonté solide et bien arrêtée de garder le célibat.

Sur le choix, — si souvent passager, — de l’idéal enfantin, rien n’agit plus que l’attrait exercé par les apparences dont l’imagination est frappée dans son contact avec une personne donnée ; mais il y a aussi certaines répulsions qui opèrent. Presque toujours le petit garçon débute par vouloir être comme son père : mais fréquemment il y renonce parce qu’il a trop entendu parler de la peine que son père avait dû se donner et qu’il voit de trop près celle qu’il continue à s’imposer. Quelques-uns se proposent plus facilement comme modèles un oncle ou un ami de la famille, parce qu’ils éprouvent ses complaisances plutôt que ses sévérités et qu’ils le voient moins dans ses difficultés quotidiennes. D’autres fois enfin, l’idéal de choix n’est autre chose que la ressemblance avec une personne dont la voix, dont les paroles, dont les exemples auront flatté quelques penchans, provoqué quelques désirs naissans, les uns, excellens, les autres moins bons. Dans une de ces enquêtes dont je parlais il y a un instant, une fillette de sept ans, d’une école de la Flandre belge, avait répondu : « Je voudrais ressembler que c’est une personne que nous connaissons de vue, parce qu’on la voit et connaît toujours. » Un homme de science commentait la réponse en un grand journal parisien et disait : « Il y a ici une pensée, mais elle gagnerait à être dévoilée ; telle qu’elle se présente,