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fondamentales et extraits-permis, marque métallique pour le bétail bovin, certificats d’origine à délivrer par les maires pour les produits secondaires, surveillance permanente par le service des douanes. La porte s’ouvre, mais non sans délai, examen, discussion ; on ne peut faire un pas sans ses papiers. Et quelque stricte et gênante que soit cette réglementation, quelque forte que soit la pénalité qui menace le fraudeur, la fraude, nourrie par le privilège, a pris racine dans la zone et autour de la zone, elle y prospère et elle y règne. Il y a de la fraude sur toutes les frontières, mais ici mille fois plus qu’ailleurs parce que le privilège zonien lui procure mille fois plus de facilités et plus de tentations. Modérée au début, elle a grandi avec les faveurs faites à la zone, et si depuis une dizaine d’années, devant la protestation publique, on a réussi à la réduire, elle reste encore considérable. Fraude « légale, » d’abord, si l’on peut dire, j’entends fraude tolérée par les règlemens : celle, par exemple, qui se pratiquait naguère sur les farines, ou celle qui résulte de ce que les agriculteurs zoniens sont admis à importer en franchise en France une moyenne de 100 000 quintaux de blé, après avoir fait venir pour leurs besoins des blés étrangers, alors qu’on sait que la zone ne produit bon an mal an qu’à peine ce qui lui est nécessaire pour sa consommation. Puis fraude condamnable, et trop rarement condamnée : fausses déclarations, trafic des permis de franchise, certificats d’origine signés par complaisance ou en blanc, vulgaire contrebande enfin, mais contrebande profitable et exorbitante, sollicitée par le bas prix en zone des denrées coloniales et des produits de régie. Tangente extérieurement au cordon de douanes, la zone libre-échangiste est un vaste et commode entrepôt de fraude. Et plus que les agriculteurs, dont les franchises d’importation sont achetées par bien des entraves administratives, les vrais bénéficiaires du régime zonien sont les fraudeurs. La fraude est l’industrie nationale de la zone.

C’est aussi la seule qui prospère, car l’industrie zonienne n’a pas réussi, — pas encore réussi, — à obtenir les mêmes privilèges que l’agriculture. Plus soucieux, faut-il croire, de la protection industrielle que de la protection agricole du territoire, moins sollicités sans doute par les rares manufacturiers de la zone que par la masse des agriculteurs zoniens, les pouvoirs publics ne se sont guère prêtés à favoriser la concurrence que