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s’il n’y avait pas là une réplique à l’entrevue des deux empereurs à Port-Baltique. Que reste-t-il, ont-ils dit, de cette entrevue et des espérances qu’elle avait fait concevoir ? M. de Kiderlen l’avait présentée comme « un brillant succès de la politique allemande. » Ce succès n’aura-t-il eu qu’un jour ? Ceux qui parlent ainsi s’étaient sans doute exagéré l’importance de l’entrevue et la diminuent trop maintenant. Ils avaient cru, ils s’étaient complu à croire qu’elle était un de ces signes de l’affaiblissement de l’alliance franco-russe auxquels nous avons fait plus haut allusion. De là leur déconvenue. Mais s’ils s’étaient bornés à penser que l’entrevue de Port-Baltique témoignait seulement des bonnes dispositions réciproques des deux empereurs et de leurs gouvernemens, rien de ce qui s’est passé par la suite n’aurait été pour eux une déception. La convention navale de la France et de la Russie ne porte effectivement aucune atteinte à ces dispositions qui étaient amicales à Port-Baltique et le sont restées depuis. La convention navale dont on a tant parlé ne modifie en rien un état de choses qui était connu. Voilà vingt ans que la France et la Russie ont conclu un traité d’alliance dont elles n’ont pas fait mystère. Les termes exacts n’en ont pas été publiés, comme l’Allemagne a publié autrefois ceux de son traité avec l’Autriche, mais il y a certainement quelque analogie entre tous ces textes : leur but est de décider que, dans certains cas déterminés, chacune des puissances contractantes donnera son concours à l’autre avec la totalité de ses forces, expression qui comprend à la fois, à peine est-il besoin de le dire, les forces de mer aussi bien que les forces de terre : autrement, la totalité des forces ne serait pas engagée. La convention ou, de quelque nom qu’il faille l’appeler, l’arrangement qui vient d’être conclu n’était donc pas nécessaire pour que, si le casus fœderis venait à se poser, la France et la Russie fussent tenues de mettre en ligne leurs foi-ces navales ; mais rien, paraît-il, n’avait été prévu jusqu’ici sur les modalités de l’opération. Au premier abord, cette négligence semble extraordinaire ; elle s’explique cependant par le fait que la flotte russe, depuis ses désastres en Extrême-Orient, était restée une quantité très faible ; mais la situation n’est déjà plus la même et, dans un très petit nombre d’années, elle sera très sensiblement modifiée. La Russie entend en effet réorganiser sa puissance maritime ; elle s’applique à cette tâche avec une extrême ardeur ; la Douma a voté, sans les marchander au gouvernement, des crédits considérables qui doivent être consacrés à cet objet et on envisage dès maintenant en Europe la reconstitution de la flotte russe comme une réalité prochaine. Dès