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tout élan lyrique. Essayons d’être concis en parlant de ce roi des retables où « l’esprit peut s’arrêter à l’infini et rêver à l’infini, sans trouver le fond de ce qu’il exprime ou ce qu’il évoque. » (Fromentin.) Imaginons le polyptyque reconstitué en ses élémens originaux et fermé. Dans le bas sont les donateurs Josse Vyt et sa femme Isabelle Borluut, saint Jean-Baptiste et saint Jean l’Evangéliste ; plus haut, le mystère de l’Annonciation se déroule en quatre panneaux surmontés de lunettes montrant les sibylles de Cumes et d’Erythrée, les prophètes Zacharie et Michée. Le portrait de Josse Vyt représente le donateur au terme de sa vie ; il y a donc lieu de croire que l’extérieur fut exécuté en dernier lieu. Pourtant, il est la préface de l’événement exalté à l’intérieur et sous sa forme symbolique, prédit l’Adoration de l’Agneau par la présence des prophétesses païennes, des prophètes juifs, de Gabriel qui annonce à Marie le Messie, du précurseur Jean-Baptiste qui le premier fit savoir qu’il était venu, enfin de Jean l’Evangéliste, lequel, dans l’Apocalypse, a révélé le Signe éternel de l’Agneau dans le ciel.

L’intérieur glorifie le mystère de l’Agneau et résume les doctrines dont l’Immolation et la Résurrection de Jésus-Christ sont le centre. Il n’y a point de plus haut symbole chrétien ; l’idée du sacrifice de Dieu et celle de sa victoire, l’histoire de la chute des hommes et de leur rédemption s’y réunissent et s’offrent comme un enseignement perpétuel à ceux que le Seigneur désigna pour établir son règne ici-bas. Le thème symbolique du chef-d’œuvre est fourni en partie par l’Apocalypse qui prophétise la victoire de l’Agneau et le triomphe de l’Église et par les textes de la fête de tous les saints. Pour la disposition iconographique, les peintres ont interprété une tradition populaire suivant laquelle un veilleur de Saint-Pierre de Rome vit en songe le patron de la basilique qui lui montra l’Éternel entouré d’un chœur d’anges, ayant à sa droite la Vierge couronnée, à sa gauche saint Jean-Baptiste, et recevant l’hommage des Vierges, des patriarches, des saints, des chevaliers, du menu peuple. Cette vision de gloire, les peintres du Retable la pénétrèrent d’esprit mystique en faisant de l’Agneau le centre de leur épopée divine. — La zone supérieure du polyptyque ouvert se compose de sept panneaux. Au centre, Dieu le Père ; à droite, la Vierge, les Anges chanteurs ; à gauche, saint Jean-Baptiste, les Anges musiciens ; aux deux extrémités, Adam