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îles de la mer Egée, un mécontentement, qui sera peut-être plus durable, à Rome. Nous n’avons pas été les seuls sans doute à témoigner de bons sentimens à la Grèce : l’Allemagne aussi lui a rendu un incontestable service par l’à-propos avec lequel elle a parlé et agi en sa faveur. Quand tout a été fini, le roi Constantin s’est empressé de se rendre à Berlin ; rien de plus naturel, c’est sans doute ce qu’un autre aurait fait à sa place ; il ne faut pas oublier d’ailleurs qu’il est le beau-frère de l’empereur Guillaume et que, dans l’occurrence, ses sentimens de famille étaient pleinement d’accord avec ses intérêts politiques. Nouveau feld-maréchal de l’armée allemande, il a assisté à des opérations militaires qui pour lui, venu directement de champs de bataille victorieux, n’étaient pas une simple parade. L’empereur Guillaume a su profiter de l’occasion : « Votre Majesté, a-t-il dit, a eu la bonté d’affirmer publiquement, à différentes reprises, pendant et après la guerre, que les grands succès qu’il lui a été donné de remporter avec l’aide de Dieu sont dus, en même temps qu’au courage héroïque, au dévouement et à l’esprit de sacrifice de toutes les troupes grecques, aux principes éprouvés de la tactique militaire prussienne... Notre armée est fière du jugement prononcé par Votre Majesté, qui constitue un éloge pour les méthodes de notre armée et en même temps prouve de façon concluante que les principes enseignés par notre état-major et suivis par nos troupes garantissent toujours la victoire lorsqu’ils sont suivis exactement. » La recette est infaillible, mais il faut savoir s’en servir ; les Grecs l’ont su, les Turcs non ; on se demande ce qui arriverait si les uns et les autres en usaient avec la même maîtrise. Un pareil discours dictait par avance la réponse à y faire. Le roi de Grèce l’a faite en y mettant plus de chaleur que de nuances. « Je ne puis m’empêcher, s’est-il écrié, de répéter encore une fois bien haut et publiquement, que nous devons nos victoires, en même temps qu’au courage invincible de mes compatriotes, aux principes sur l’art de la guerre que, moi et mes officiers, nous avons appris ici, à Berlin, à ce cher 2e régiment d’infanterie de la Garde, à l’Académie de guerre, et dans nos conversations particulières avec les officiers de l’état-major prussien. » La reconnaissance est une belle vertu ; puisque le roi Constantin l’éprouve à ce degré d’intensité, il est sans doute inutile de lui rappeler d’autres souvenirs sur lesquels il serait ici de mauvais goût d’insister ; mais pourquoi a-t-il paru les avoir momentanément oubliés ? Son discours a produit une fâcheuse impression en France, non pas tant à cause de ses paroles mêmes que par le ton qu’il y a mis et par son affectation à reporter sur l’école