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arriver tout droit au cœur de Jésus-Christ. A Vienne, j’ai eu l’honneur d’être reçu par l’archiduchesse Sophie qui avait témoigné le désir de me voir ; elle m’a plu ; mais combien tous ces pauvres princes me paraissent aveuglés sur les véritables dangers de leur situation ! Je compte sur vous, Millosagos, pour savoir à quoi m’en tenir sur ce qui se passe entre Pest et Vienne. Je suis avec anxiété ce que fait votre beau-frère le Comte Georges. Je fais les vœux les plus ardens pour que la bonne entente se rétablisse, sans qu’il en coûte à la dignité de qui que ce soit, car les sacrifices qu’on fait de ce côté sont les seuls, à mon avis, qui soient irréparables.

J’espère que vous avez reçu la lettre que ma femme vous a écrite de Vienne ; je lui ai transmis tous vos aimables messages ainsi qu’à Catherine ; après avoir voyagé et séjourné de tous les côtés en Pologne, elles se sont séparées de moi à Reisen, chez la Princesse Sulkowska ; moi, je me suis dirigé sur Guesen, pour y voir le tombeau de saint Adalbert, le grand apôtre martyr des pays Slaves ; puis sur Dantzig, Marienburg et Dephin, d’où je suis redescendu à Berlin. J’ai fini par visiter les villes monastiques et épiscopales du Nord-Ouest de l’Allemagne : Halberstadt, Quedlinburg, Braunschveig, Bremen, Heldesheim, Gandersheim et tant d’autres dont vous ne connaissez pas même les noms. Mais vous les connaîtrez peut-être un jour, si le bon Dieu me permet de continuer mes Moines d’Occident. Ma femme et ma fille sont allées directement par Dresde retrouver ma fille aînée à la campagne près de Lyon où elle va accoucher. Je pars à l’instant pour les y rejoindre. J’y resterai probablement quinze à vingt jours ; après quoi, j’irai m’enfermer pour le reste de l’année à la Roche-en-Breny, dans ce vieux petit manoir dont j’ai parlé à la fin de mon Introduction : relisez cette page, chère Comtesse, et puis venez quelquefois par la pensée m’y trouver pendant mon travail nocturne, pour m’encourager et me soutenir par quelque chose d’humain, au milieu de toutes ces grandeurs et de toutes ces saintetés qui me semblent souvent trop divines pour moi. Je ne suis pas du tout un homme fort comme vous semblez le croire, mais un homme très faible, sous tous les rapports et très éprouvé. Aimez-moi donc un peu comme quelqu’un qui vous doit déjà beaucoup, mais qui a encore grand besoin de votre bonne amitié et qui vous remercie du fond d’un cœur triste et sincère.