Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/502

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourtant des textes. Les communes propriétaires ne sont pas obligées à entretenir leurs églises. Là-dessus, nous sommes bien d’accord, n’est-ce pas ?

— Oui, monsieur Barrès.

— Et les catholiques, non plus, ne sont pas obligés à l’entretien ?

Ici le regard du ministre se réveilla. Je venais de le toucher au défaut de la cuirasse. Dans sa loi, il n’a pas plus trouvé le moyen de contraindre les catholiques que de contraindre les communes, et son embarras serait extrême, si les fidèles, décidant de se désintéresser d’immeubles sur lesquels on ne leur donne aucun titre, laissaient les églises joncher le sol de leurs débris… Se crut-il visé ? Pensa-t-il que je le menaçais de cette conspiration des catholiques ? Avec le mouvement d’un félin qui se ramasse, il se mit en défense, et d’une voix plus âpre :

— Le clergé a des ressources immenses. Si l’on m’y force, Je dirai quels véritables concerts, avec tourniquets à la porte, on installe dans certaines églises, et j’établirai les sommes qu’on encaisse… On préfère les employer à soutenir des patronages, qui sont des œuvres de guerre, au lieu de réparer les églises. Qu’on ne m’oblige pas à le dire à la tribune.

Je le regarde avec curiosité. Cet éclat me fait comprendre son état d’esprit, sa blessure secrète. Cet homme si fin souffre d’avoir subi un échec par défaut de finesse. Il avait aspiré à réorganiser l’Église de France, à la faire vivre dans un nouveau cadre, dans l’association cultuelle ; il prétendait jeter la vie religieuse française dans le moule de ses propres conceptions. Mais le moule a craqué. De par la volonté du Pape, aucune cultuelle ne s’est constituée utilement, et voilà caduque la loi Briand. Elle n’existe pour ainsi dire plus. De retouche en retouche, elle a abouti à quelque chose qui n’est qu’imprécision. Le gouvernement a compris l’impossibilité de poursuivre l’application rigoureuse des principes qu’il avait votes et d’opposer à l’infaillibilité du Vatican l’intransigeance du Palais-Bourbon. Sur trente-six points, on en est revenu à la situation antérieure, et les catholiques demeurent inorganisés. M. Briand se demande avec une légitime inquiétude quel est son personnage. Il a été félicité de toutes parts d’avoir donné, pour son coup d’essai dans la vie publique, un statut au catholicisme français, et