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sous cette voûte, il jouit des plus magnifiques loisirs de la haute humanité. Même la douleur s’efface dans le cœur des mères en deuil et fait place aux enchantemens de l’espérance.

Ces grands états d’émotivité religieuse, vous croyez pouvoir les dédaigner, ne rien faire pour eux. Peut-être même croyez-vous pouvoir les anéantir... Vous le croyez parce que tels de vos maîtres (j’entends des maîtres de votre intelligence) vous y ont incités. Mais faites attention ! Aujourd’hui, ceux que vous reconnaissez pour vos maîtres ne vous disent plus cela. Bien au contraire ! Les tenans de la méthode expérimentale, ceux qui ont voulu l’appliquer même aux choses de l’âme et constituer une science psychologique vous disent que de ces parties profondes de l’être, de ce domaine obscur surgi-mt toutes les puissances créatrices de l’homme, toutes les intuitions, celles que la raison pourra contrôler, aussi bien que celles qui dépassent la raison.

Il y a tout au fond de nous un domaine, le plus riche domaine d’aspirations confuses, un domaine obscur, et ces psychologues scientifiques le reconnaissent comme la nappe profonde qui alimente nos pensées claires. Les plus grandes et les plus fortes pensées dont nous prenons conscience sont comme des pointes d’îlots qui émergent, mais qui ont des stratifications immenses sous la mer.

De plus en plus, les esprits se tournent vers cette région subconsciente de l’âme.

Vous ne pouvez pas ne pas tenir compte de cette grande activité intérieure. Cette vie mystérieuse, cette conscience obscure, ce besoin du divin, c’est un fait et qu’il n’est pas en notre pouvoir d’abolir dans l’homme.

Que d’exemples saisissans je pourrais donner des exigences de cette vie profonde de l’esprit ! Et quand la Chambre sera amenée, comme je le prévois, à examiner « la question de la Sorbonne, » je crois qu’il sera facile de montrer que ces étudians qui se plaignent des savantes éruditions toutes sèches de leurs maîtres (éruditions par ailleurs fort intéressantes), ce sont des jeunes gens dont la vie profonde réclame une nourriture et qui souffrent (souvent à leur insu) de ce que l’on cultive en eux seulement la surface de l’âme. (Applaudissemens à droite et sur divers bancs au centre.)