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Sur les ânes pris, la richesse de Tombouctou fut entassée, menée aux pirogues du Niger, avec les jeunes filles bonnes pour le harem, les jeunes hommes bons pour les guerres futures. Les toits de Tombouctou brûlèrent toute une semaine. Ils s’effondraient dans les sables.

Ce ne fut qu’une tourmente. Les Mandingues rentrèrent après le départ des envahisseurs. Une partie de la cité fut rebâtie en banco, mais avec des toits de paille. Les Marocains envoyèrent bientôt une ambassade solennelle, et des courtiers pour l’achat de l’or, des esclaves, pour la vente des corans, des étoffes, des objets manufacturés, des chevaux, des armes précieuses. Vers 1340, ces immigrans construisirent des entrepôts. Leurs notables s’installèrent. Ils apportaient aux habitans l’aide précieuse de leur influence et du prestige religieux acquis aux sultans de Fez, comme à ses imans. Leur parfaite entente avec les souverains du Mali protégea l’évolution de la cité. Cinquante mille habitans finirent par y loger. Même l’élite des jurisconsultes et des lettrés berbères reformée à Ghana, puis à Oualata, se transportait autour de la Dyinguer-Ber. Bientôt cette compagnie étonnait, par ses connaissances, les savans de Fez en voyage.

Très puissant à cette époque sur les esprits des grandes familles soudanaises, l’Islam dirigeait de nombreux pèlerins vers la Mecque, par les routes et les oasis du Sahara, par le Sud de la Tripolitaine, la Cyrénaïque et l’Egypte. Les imans nègres, s’ils ne réussissaient guère à convertir la masse paysanne de leurs compatriotes, décidaient facilement les citadins, les chefs et les marchands. Ceux-ci, d’ailleurs, observaient à leur guise les prescriptions du Coran. Ibn-Batouta, pieux lettré marocain, s’indignait, en 1352, des mœurs faciles, de la nudité féminine partout habituelle, même dans les cortèges de Ramadan, des affections adultères, des danses, des pèlerinages à la Mecque accomplis en la société d’agréables folles par les cadis eux-mêmes.

Les Mandingues ont l’imagination vive et gaie. Ceux du Mali qui possédaient tant d’or l’employaient à se réjouir. Aujourd’hui leurs ballets de tam-tam sont les plus fréquens, leurs orchestres les mieux pourvus. Tombouctou dut connaître la joie quotidienne de ces femmes à cimiers et à mitres rythmant par centaines, de leurs mains frappées en cadence, les entrechats et les essors de ballerines ornées, de filles en farandoles, de