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même. M. Guitry joue, avec la puissance et la rudesse que l’on sait, le rôle de Brachard qui semble avoir été fait pour lui, à sa taille et sur mesure. M. Victor Boucher est parfait de désinvolture dans le rôle du jeune Max. Du côté des femmes, je louerai surtout Mme Van Doren qui est excellents dans le rôle de Grâce Ritherford.


La Marche Nuptiale de M. Henry Bataille vient d’entrer à la Comédie-Française. C’est un honneur souvent périlleux. Je crois bien que la pièce était mieux à sa place au Vaudeville, où elle fut représentée en 1905. J’en ai parlé abondamment à l’époque, ce qui me dispense de la raconter à nouveau. J’indiquerai seulement l’impression générale qui s’en dégage : elle me paraît résulter tout entière du contraste entre la nature du sujet et la manière dont il est traité, entre la pauvreté des événemens et la somptuosité du vêtement dont on les a habillés. Rien de plus médiocre, rien de plus banal, rien de plus vulgaire que l’aventure de Grâce de Plessans : une petite provinciale, qui s’éprend de son professeur de piano et qui se sauve avec lui. Ce prix du Conservatoire de Nancy est sans talent, sans courage, sans morahté. Il est bête et laid, pauvre et malhonnête. Le faux ménage s’installe à Paris dans une chambre d’hôtel borgne, en compagnie de la misère, mauvaise conseillère. Sujet d’une platitude tout à fait « quotidienne, » à traiter en deux petits actes dans la manière réaliste. Au contraire, M. Bataille y a déversé des flots de lyrisme. Ce sont des discours et des apostrophes, et des phrases et des images, et des comparaisons et des métaphores. Le désaccord de cette rhétorique avec les mornes réalités qui en sont le prétexte souligne, accentue, accuse le procédé terriblement déclamatoire.

Mlle Piérat a été pour Grâce de Plessans une interprète tout à fait remarquable. Elle a la jeunesse, le charme, la séduction, et aussi le mouvement, la passion, la flamme. C’est un nouveau succès à l’actif de la gracieuse comédienne. M. Georges Berr a dessiné une très pittoresque silhouette de croque-notes. Le reste de l’interprétation est quelconque.


Un trait à noter dans le mouvement dramatique d’aujourd’hui, c’est le renouveau du théâtre gai. Le Palais-Royal, dont le genre paraissait démodé et qui participait à la solitude d’un quartier abandonné, ne connaît plus que des succès. Après le Petit Café, la Présidente, après la Présidente, les Deux Canards. M. Tristan Bernard, dont le Triplepatte, écrit naguère en collaboration avec ce charmant esprit