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avec le monde catholique italien, il contractait des amitiés et des inimitiés que, les unes et les autres, il n’a pas oubliées. Affable aux petits et aux grands, largement charitable, bon avec des traits d’intransigeance accusée, avec cette nuance de sensibilité qu’on relève parfois en Italie dans le caractère vénitien, qui n’exclut pas, dans ses effusions émues, une certaine sévérité, très aimé de tous, chez les laïques peut-être un peu plus que parmi le clergé, il était figure populaire à Venise. Moins connu dans le reste de la péninsule et à Rome en dehors de quelques autres religieux, il était ignoré du monde ; il avait jusqu’ici vu le monde dans ce cadre vénitien.


Rien ne lui était moins familier que Rome ; à soixante-huit ans, au cours d’une longue carrière, il y était à peine venu en passant. Il semblait garder à l’endroit des pratiques et des habitudes romaines une sorte de méfiance instinctive. A l’encontre de ses prédécesseurs Pie IX et Léon XIII, qui étaient aussi ou avaient été longtemps des évêques de diocèses, mais qui, formés à Rome, imprégnés d’esprit romain, ayant exercé des fonctions diplomatiques et politiques, n’avaient guère perdu Rome des yeux, surtout le dernier, ce monde romain lui était complètement étranger.

La conception romaine des choses de l’Eglise, appuyée ici sur l’histoire et les traditions, c’est une part accordée, sans altérer la majesté de l’édifice, sans fléchir la rigueur du dogme et de la discipline, à l’élément humain dans le domaine religieux. L’Église romaine, dépositaire d’une doctrine et d’une règle morale, est aussi un gouvernement qui, comme tel, admet le système de ne point s’abstraire des conditions parmi lesquelles vivent et meurent les hommes.

Des âmes pures, ardentes, intransigeantes, supportent parfois avec peine de telles combinaisons, qui souvent ont apporté de la paix et du bien au monde. C’est une combinaison que le Concordat de Bonaparte et de Consalvi. Rome a hésité et pesé avant d’accepter ; Rome a accepté. Qui dira, sans parler de bienfaits d’ordre différent, ce qui a pu pousser d’œuvres de piété et de vie religieuse à l’ombre du Concordat ? Ce Concordat, qui n’était pas pour l’Église sans inconvéniens, ce n’est pas Pie X qui l’a dénoncé ; c’est d’un autre côté, pour lequel il avait tant