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d’avantages, qu’est venue la rupture. Pie X, intransigeant certes sur plus d’un point, inflexible sur ce qu’il juge essentiel pour l’Église, rejette-t-il partout les combinaisons de l’ordre politique et humain ? Il ne paraît pas toujours exact de l’affirmer.

Il faut distinguer, vivant les domaines, ceux où l’intégrité de la doctrine ne lui semblait pas engagée, parfois aussi, suivant les pays, ceux qu’il connaissait mieux et où il était naturel qu’il fût un peu plus sensible aux contingences. Voici un pays, l’Italie, que Pie X connaît mieux que les autres et dont il s’est soucié davantage. Il n’a pas fermé les yeux aux contingences italiennes. Et s’il est vrai que, pour quelques-uns au moins de ceux qui l’avaient choisi, le désir qu’on en tienne compte soit entré en jeu, il n’a pas déçu complètement leurs espérances. Il n’a pas tranché la question qui importait le plus aux Italiens, conformément à leurs affirmations nationales et à la façon dont s’est constituée leur unité. Il a eu soin de réserver et même de formuler au besoin les protestations du Saint-Siège. Mais il était visible que la revendication du pouvoir temporel laissait personnellement Pie X indifférent. Il était né et avait grandi dans une province encore sujette de l’Autriche ; son patriotisme l’avait vue avec joie rattachée à l’Italie unifiée. Sensible à l’intérêt national, il avait eu des relations courtoises avec des fonctionnaires du royaume ; il a continué à les accueillir. Il avait rendu ses devoirs aux souverains et aux membres de la famille royale. Une de ces histoires que se plaît à colporter l’imagination italienne, où il entra parfois quelque vérité morale dans l’inexactitude matérielle, l’a fait se retrouver mystérieusement, un soir, avec la reine Marguerite au Vatican. On a rapporté qu’il disait en parlant : notre armée, notre flotte. A-t-il dit notre roi ?

D’autres allaient plus loin ; il les arrêtait, il ne les a pas condamnés ni contredits formellement. La question la plus grave et la plus agitée depuis longtemps était celle de la participation des catholiques italiens à la vie publique. En maintenant l’interdiction officielle de prendre part aux élections politiques, en refusant d’abolir pour elles le Non expedit, la prudence avisée de Léon XIII, qui froissait en Italie bien des gens, tenait surtout à écarter l’idée du parti catholique qu’il jugeait ailleurs gênant, qu’il devait juger bien plus gênant encore et plus dangereux en Italie. Pie X a cherché aussi à empêcher la formation du parti catholique, mais en favorisant l’entente électorale