Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/293

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
287
L’ALSACE-LORRAINE ET L’ALLEMAGNE.

peut comprimer cette révolte comme en un étau, et en exiler le chef, Régnier. Mais les fils de celui-ci se réfugient en France d’où ils reviendront exercer l’æterna vindicatio.

Brunon veut profiter de l’occasion exceptionnelle qui s’offre à la Germanie pour faire légitimer, par son pupille Lothaire Ier, l’usurpation de la Lorraine. Il n’y réussit pas. Les chroniques contemporaines ne parlent ni d’abandon, ni de renonciation, mais d’un simple pacte de sécurité. Flodoard, la meilleure autorité, ne mentionne qu’un assurement, une securitas de regno Lothariense donné par Lothaire à Brunon, et cette sécurité même était viciée dans son principe, puisqu’elle était imposée par un tuteur à son pupille.

La réplique des Lorrains ne se fit pas attendre. L’année n’était pas écoulée qu’une grande révolte éclatait sous la conduite du comte Immon.

La mort de Brunon, puis celle d’Otton Ier, firent plus que cette révolte ; elles changèrent la face des choses. Dès 973, les fils de Régnier, réfugiés en France, reparaissent en Lorraine et soulèvent leurs compatriotes ; puis, à leur instigation, Lothaire lui-même entre en campagne (978).

Ainsi le procès ne cesse de se rouvrir. La péremption d’instance n’est jamais acquise. En vain allègue-t-on, imagine-t-on, du côté allemand, une série fictive de désistemens, les sources historiques chaque fois les démentent. En voici un nouvel exemple. En 980, une révolte de Hugues Capet oblige Lothaire à s’appuyer sur Otton II, à s’allier avec lui à Margut-sur-Chiers. La thèse germanique réapparaît, alors que les chroniques ne reflètent que l’intransigeance des deux parties adverses. On peut prendre la moyenne entre les Annales de Hildesheim qui parlent d’un hommage de Lothaire à Otton II et l’Historia Francorum Senonensis, qui veut que ce soit au contraire Otton II qui ait fait hommage à Lothaire, et l’on sera dans le vrai, on reconnaîtra que la situation légale entre les deux rivaux n’a pas changé.

Sitôt qu’Otton II meurt (7 décembre 983), la lice se rouvre. Otton III n’a que cinq ans, Henri le Querelleur cherche à le supplanter, les droits du roi de France sur la Lorraine s’affirment avec éclat.

Les comtes lorrains Régnier et Lambert, l’archevêque de Trêves, le frère de Lothaire, Charles, que le roi de Germanie