Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.




Cher enfant, que nous prend l’appel de la Patrie
Qui nous quittais hier le visage vaillant,
Sans qu’une larme vînt d’un regard défaillant
Trahir le serrement de notre âme meurtrie !

L’on ne te pleure pas, mon soldat, l’on t’envie.
Tu nous as laissés seuls, mais, avec toi, voyant.
Loin, bien loin par delà notre horizon fuyant,
Le lumineux espoir qui soutient notre vie :

La France encor debout dans un monde nouveau.
Portant sous un ciel pur aux plis de son drapeau
La foi victorieuse et la liberté sainte ;

La barbarie abjecte à ses pieds étouffant,
Et notre honneur entier ! Adieu donc, va sans crainte.
Va, mon soldat ! que Dieu te garde, cher enfant !



Sur le bord de la Meuse indolente, parmi
Des arbres clairsemés et de molles prairies,
Un village lorrain avec ses métairies.
Des patres, des troupeaux bêlans, c’est Domrémy.

Une maison y montre un vieux visage ami,
Humble, mais où sourit l’âme de la patrie,
Et la nuit on y sent une force qui prie
Et qui veille debout sur le sol endormi.

Humble maison, bercail de la France royale,
D’où sortit, commençant sa marche triomphale
Entre les fleurs de lis, un agneau rédempteur !

Sois encor le rempart de la nouvelle France,
O Domrémy, bercail cher au divin Pasteur !
Et vous, luttez pour nous, Jeanne, notre espérance !