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coup de fusil. Ce qu’ils filaient ! Bientôt on ne les voyait plus. Nous les avons rejoints le samedi soir, à Vic-sur-Aisne. Nous les avons poussés. Ils ont essayé de faire sauter le pont. Impossible ; nous étions arrivés à temps. Nous passons derrière eux. A ce moment-là, ils tirèrent sur nous ; mais nous avions l’artillerie du 47e postée sur la gauche, qui les a forcés de reculer encore. La nuit, notre compagnie a pris les avant-postes.

« Dimanche matin, à 7 heures, on est reparti de la rivière. Cette fois, on n’allait pas vite, leur grosse artillerie nous tirait dessus, et ils avaient une position terrible, même qu’on n’a pas pu faire plus de 4 kilomètres dans toute la journée. On a marché sous le feu de l’artillerie, jusqu’à 6 heures du soir. C’est là qu’il en est tombé ! Il y a des sections qui y ont complètement passé. Vous comprenez : on nous avait dit qu’il fallait à tout prix prendre position pour ne pas laisser avancer l’infanterie allemande.

« A 6 heures, un éclat d’obus m’entre dans la jambe. Il y est encore. On m’a porté à un poste de secours. J’y ai reçu mon premier pansement et passé la nuit. Après, l’on m’a porté à Vie, à l’hôpital de campagne de la Croix-Rouge, puis à la gare de Compiègne...

« Je n’ai pas eu trop de mal ; un peu serré à la jambe, justement celle de l’obus. Les civils se sont levés. On nous a ouvert l’hôpital de Mary, où les Boches n’avaient rien laissé. A 9 heures, l’évêque est venu : il nous a donné des paquets de tabac. Ce qu’il est bien, ce Monseigneur-là ! Les autos américains sont arrivés vers onze heures, et, à six heures, nous étions ici.

« On voudrait tout de même que ça soit fini. C’est un vrai carnage. »


FELIX KLEIN

Aumônier de l’Ambulance américaine.