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invisibles s’appesantissaient sur ses épaules, et que derrière lui, sortant des galeries ensoleillées du Palatin, s’avançait vers lui le pas rampant de la Louve.

Tout ce qu’il avait lu et appris concernant Rome, tout ce qu’il en avait rêvé et espéré, s’écroulait à présent comme un misérable tas de cendres...

Il comprenait maintenant ce qui avait causé la perte des Hohenstaufen. Ils n’avaient point péri parce qu’ils avaient osé s’attaquer au pouvoir des papes ; c’était Rome même qui les avait anéantis, ce monde latin dont l’atmosphère était pour eux aussi irrespirable que s’ils avaient eu à vivre sur les sommets de l’Himalaya... Et aujourd’hui encore ce monde était prêt à anéantir leurs descendans : il dévorait sans pitié quiconque se risquait à l’approcher. Ne suffisait-il pas de voir les troupes nombreuses d’étrangers, et surtout d’Allemands, qui, lui ayant donné leur cœur en pâture, espéraient ingénument retirer de cette offrande une force nouvelle ?...

Avec la vigueur victorieuse d’une race encore toute fraîche. Oscar se mettait en défense contre ce danger. Non, il ne céderait pas à la louve romaine ce qu’il y avait en lui de plus intime et de plus profond !... il aurait voulu écraser sous ses pieds la pierre rouge sur laquelle, jadis, avaient coutume de s’agenouiller les empereurs allemands. Désormais les hommes de sa race devaient se tenir debout en face de Rome, sans autre pensée que de lui ravir le secret qui, durant les siècles, lui avait permis de vaincre le monde et de le dominer. Tout ce qui, jadis, s’était abaissé sur cette pierre rouge, il le sentait maintenant se redresser, triomphalement. Il lui semblait éprouver en soi tout le souffle puissant d’un peuple entier qui avait enfin réussi à secouer l’ancienne emprise de l’Ouest et du Sud, et qui, maintenant, avec une énergie inspirée, levait fièrement son regard vers des cieux nouveaux, où déjà commençaient à se refléter les incendies de lointains ennemis inconnus.


Ces « incendies, » — que l’auteur nous annonçait sans nous dire s’ils seraient allumés ou simplement subis par les futurs ennemis de la race allemande, — nous voyons depuis deux mois de quelle manière les compatriotes d’Oscar Stackmann sont en train de les répandre tout au long de leur passage, dans l’enivrement funeste d’un orgueil qui, non content de les aveugler sur leur véritable valeur, les porte encore à tenir pour légitimes les plus folles impulsions de leurs instincts grossiers, librement déchaînés.) Et tandis que, suivant toute apparence, le plus grand nombre des incendiaires de Louvain et de Dinant, de Senlis et de Reims, ne procèdent à leur œuvre de dévastation que sous la seule influence de cette « joie de nuire » dont nous parlait, l’autre jour, M. Curt Wigand, il nous est curieux d’apprendre que plus d’un parmi eux, — à l’exemple du jeune « intellectuel » dressé en face de l’ancienne Rome avec « la vigueur victorieuse d’une race toute fraîche, » — aspirent vraiment à venger sur nous la honte