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Il devint diplomate, excellent diplomate. Le caleçon de bain lui semblait pour lui-même le vêtement le plus commode ; pour la tenue des autres, il devint d’une exigence pointilleuse. Délégué de l’Autriche, le comte de Thun présidait la Diète de droit. Bismarck crie au scandale : « Thun garde à la Diète le manque de formes qui le caractérise dans la vie journalière : il préside vêtu d’une jaquette en étoffe claire, qu’il boutonne pour cacher l’absence de gilet ; il porte une méchante cravate de nankin et parle sur le ton de la conversation ! » Cette lettre est du 27 août 1851 : en trois mois, Bismarck est devenu fo-o-ormaliste. Un an après, le voici protocolaire. Le ministre de France près la Diète remet ses lettres de créance au ministre d’Autriche, président de la Diète :


Mes prédécesseurs, écrit Bismarck, ont essayé à plusieurs reprises de faire remplacer président de la Diète par présidant la Diète. J’ai jugé bon de revoir là-dessus nos négociations, notamment celles de 1833 ; mais j’ai pu voir que les ambassadeurs étrangers ont toujours dit « président de la Diète » ; l’arrêté fédéral du 12 juin 1817 dit expressément dans le texte allemand présidant la Diète et dans la traduction française président de la Diète.


Et le voici fureteur de précédens. Le comte de Thun, qui parlait sur le ton de la conversation, est remplacé à la présidence de la Diète par le baron de Prokesch (4 février 1853) :


Quoique les militaires, même en activité, n’aient jamais porté leur uniforme à leur entrée dans la Diète, il s’est présenté dans celui de feld-maréchal autrichien, avec la croix de l’Aigle Rouge et celle de Léopold. Il a ouvert la séance par un assez long discours qui s’éloignait tout à fait du ton auquel la Diète est habituée et se rapprochait du ton parlementaire.


Et le voici à cheval sur la politesse et les usages (18 mars 1853) :


Le comte de Thun passait pour n’avoir pas beaucoup de formes. Néanmoins, les discussions entre lui et moi n’ont jamais pris un ton aussi contraire aux usages diplomatiques. Je crois dominer assez mes sentimens personnels pour ne pas me laisser diriger par eux. Mais je ne puis m’empêcher de craindre que le manque de franchise et de sincérité de mon collègue autrichien ne rende les discussions de plus en plus difficiles.


Et voilà donc Bismarck assoiffé de sincérité et de franchise,