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non des gouvernemens, mais des pays allemands, du peuple allemand. Elle doit prendre en mains la défense de tous les intérêts allemands, et d’abord de ceux qui touchent de plus près à la vie quotidienne des peuples : les intérêts économiques. Dès 1852, Bismarck croit avoir trouvé le moyen de « travailler utilement « l’Allemagne du Sud :


Il faudrait couvrir l’Allemagne du Sud d’un réseau d’hommes de confiance qui aurait son centre à Francfort. Il suffirait de mettre à profit l’Institut industriel et commercial, déjà existant, et d’utiliser ses rapports avec toutes les sociétés industrielles et commerciales pour créer une grande Association industrielle et commerciale de l’Allemagne du Sud qui aurait pour mission de nous aider à étudier et à résoudre toutes les questions économiques.


Bismarck pourra dire au Reichstag le 9 juin 1879 : « Depuis le commencement de ma carrière, je n’ai jamais eu qu’une étoile directrice, une pensée : par quels moyens, de quelle manière pourrais-je amener l’unité de l’Allemagne ? Et une fois que cette unité eut été constituée, comment la fortifier, la développer et l’établir par la coopération de tous ? » Il ajoutait dans l’intimité :


J’ai changé de système en matière économique ; j’ai été libre-échangiste en 1862 ; je suis protectionniste en 1879 ; mais je n’ai jamais eu qu’un but : l’unification de l’Allemagne sous l’hégémonie de la Prusse ; tout le reste était accessoire ; j’y ai subordonné toutes les considérations économiques et autres.


Voilà, je crois, la différence capitale, essentielle, entre la politique de Bismarck et celle que Guillaume II inaugura par son voyage à Constantinople en 1890, poursuivit à travers le monde durant vingt années et fît triompher, à l’exclusion de toute autre, depuis 1909.

La conquête de l’or pour l’or et pour les commodités et jouissances qu’il procure ; la poursuite des affaires financières, industrielles et commerciales, non pour le bien de l’Etat et « la félicité des sujets, » mais, d’abord, pour l’enrichissement de quelques privilégiés ; l’amalgame de la politique et de la spéculation, de la diplomatie et de la finance, de la Cour et de la Banque ; l’intimité, l’association de l’Empereur lui-même avec les gens de Bourse et de cartells : tel fut depuis vingt ans le caractère le plus marqué de cette « politique réaliste, » —