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LA QUERELLE DE STRAUSS ET RENAN
1870-1871
LETTRES INÉDITES

Les guerres modernes ne mettent plus seulement aux prises l’élément militaire des nations. Elles dressent les uns contre les autres, dans une attitude hostile, jusqu’aux civils les moins belliqueux. De nos jours, au son du canon, le savant s’arrache à ses travaux et le philosophe descend de sa Tour d’Ivoire. Le temps n’est plus où les esprits supérieurs voyaient une preuve de supériorité dans leur indifférence à l’égard des maux de la patrie.


Pendant les guerres de l’Empire,
Goethe, au bruit du canon brutal,
Fit le Divan occidental,
Fraîche oasis où l’Art respire…


Gœthe ne témoignerait plus aujourd’hui un tel détachement et, s’il le faisait, Théophile Gautier en marquerait lui-même plus de surprise que d’admiration. La politique des nationalités a provoqué, malgré les efforts en sens contraire du socialisme cosmopolite, une explosion de nationalisme intransigeant. D’autre part, les pays où fleurit le régime dynastique se montrent d’autant plus attachés à ce régime qu’il est plus battu en brèche chez l’adversaire. À ce choc d’idées, la notion de patrie a subi au XIXe siècle une renaissance, une consolidation, une exaltation auxquelles tous les savans et lettrés ont payé tribut.

Déjà la guerre de 1870-1871 avait mis en évidence le patriotisme, pour ne pas dire le chauvinisme, de certains « intellectuels » allemands. Des hommes dont on eût espéré plus de mesure, — l’historien Mommsen, — ou plus de mémoire, — le