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reste, c’est l’œuvre immense que nos savans ont accomplie. Très souvent, la France a eu le rôle d’initiatrice. « Toute la philosophie moderne dérive de Descartes, » dit M. Bergson. La sociologie, née en France, demeure « essentiellement française, » dit M. Durkheim. Lamarck a été « le père de la biologie, » dit M. Le Dantec. Les mathématiques ? « En tête de l’arithmétique moderne doit s’inscrire en premier lieu le nom d’un génial Français, Fermat…En algèbre moderne, il faut citer en premier lieu Lagrange… La découverte de la géométrie analytique est due à un Français, René Descartes… Mécanique : Lagrange… » dit M. Paul Appell. « Rôle capital de la science française dans la création et l’évolution de la physique moderne, » dit M. Edmond Bouty. « Lavoisier est considéré à juste titre comme le fondateur de la chimie moderne, » dit M. André Job. « L’égyptologie est née en France, » dit M. Maspéro. La sinologie « date du XVIIIe siècle et a eu pour promoteurs des jésuites français, » dit M. Chavannes. Etc. Voilà des faits, et garantis par de bonnes signatures ; des faits qu’il a été plus agréable sans doute à nos savans de signer qu’aux quatre-vingt-treize l’imposture commandée par le gouvernement de Berlin. D’ailleurs, nos savans ne se contentent pas d’affirmer ; ils ajoutent des preuves à leurs dires. Que Louvain n’ait pas été saccagée ni la cathédrale de Reims endommagée, c’est une affirmation catégorique ; et le Zarathoustra qui la lance n’insiste pas. Que toute la philosophie moderne dérive de Descartes, cela peut se démontrer ; M. Bergson le démontre comme suit. Le cartésianisme est premièrement la philosophie des idées claires et distinctes ; il n’admet d’autre marque de la vérité que l’évidence : il a « définitivement délivré la pensée moderne du joug de l’autorité. » Deuxièmement, ces mots « évidence, clarté, distinction » correspondent à une « théorie de la méthode ; » géomètre et philosophe, Descartes a fourni les « procédés généraux de la recherche. » Troisièmement, Descartes nous mène, par la géométrie, à une théorie générale de la nature, mécanisme régi par des lois ; et toute la physique moderne travaille là-dessus : toute conception mécanistique de l’univers a son type originel dans la géométrie cartésienne. Quatrièmement, par sa théorie de la pensée ou de l’esprit, lequel existe d’abord, la matière étant un surcroît, le monde matériel pouvant n’exister que comme représentation de l’esprit, Descartes a préparé « tout l’idéalisme moderne et, en particulier, l’idéalisme allemand. » Enfin, la théorie cartésienne de l’esprit réunit, du moins en quelque manière, la pensée et la volonté ; le cartésianisme est une philosophie de la liberté : « les philosophies volontaristes du XIXe siècle