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bois et le fer sont très utiles pour nos travaux, mais ils peuvent blesser les maladroits, les étourdis ou ceux qui se trouvent à portée des imprudens. Les femmes sont fécondes, et c’est encore un bien qui perpétue les familles, mais elles peuvent avoir tant d’enfans que les pères seront embarrassés à les nourrir, et quand elles en auraient peu, la mort imprévue du père, qui est un accident naturel, peut encore les laisser dans l’infortune.

Il y a enfin des malheureux, parce qu’il y a des hommes ignorans ou méchans qui, n’usant pas ou abusant de leur intelligence, oppriment les autres et empiètent sur les droits de leurs semblables, ce qui, sans faire le bonheur des oppresseurs, fait le malheur des opprimés. Deux de ces sources de malheurs et de malheureux ont leur origine inévitable dans la nature des choses qui ne peuvent pas être en même temps d’une manière et d’une autre, ni réunir les propriétés opposées et incompatibles. L’homme est sensible. C’est un don suprême de la Divinité, mais il ne peut pas être sensible au plaisir sans l’être aussi à la douleur, et l’on ne pourrait le priver d’une de ces deux sensibilités sans lui ôter l’autre ; elles tiennent inséparablement à la même nature et aux mêmes organes. C’est la même faculté différemment exercée.

Les deux premières espèces de malheureux le sont donc par des accidens attachés à la nature des lois physiques qui n’ont pas pu être autrement qu’elles ne sont ; car Dieu, tout bon et tout-puissant, a certainement tout fait pour le mieux et réuni tous les biens qui n’étaient pas essentiellement incompatibles pour diminuer ces malheurs qui ne pouvaient être entièrement supprimés. Dieu attache à la bienfaisance un attrait naturel et doux, accompagné d’un plaisir très vif et très pur. Ainsi il n’a pas permis les malheureux pour faire exercer la bienfaisance ; mais, au contraire, il a mis le principe et le charme de la bienfaisance dans le cœur de l’homme pour soulager les malheureux. C’est pour ceux-ci que les bienfaiteurs ont été faits et la bonté du Ciel a permis qu’ils trouvassent les plus délicieuses récompenses dans l’accomplissement même du devoir qu’elle leur a imposé de diminuer les maux de leurs semblables.

Quant à la troisième partie des malheureux qui ne sont pas certainement nécessaires, car l’ignorance peut être dissipée et la méchanceté réprimée, Dieu a pourvu à son soulagement et Il sa diminution, d’où suivra quelque jour son extinction presque