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grandit dans le ciel. Les faubourgs traversés, dépassés, me voilà dans les vignes ; puis ce sont des champs moissonnés, un pré où la faux a tracé ses chemins que bornent des traînées de foin. Je marche à travers les chaumes droit au point du rendez-vous. Un cavalier, venu de l’Est, gagne aussi vers le même but ; les jambes de son cheval disparaissent derrière une levée de terre ; lui-même s’enfonce dans le sol ; il devient cul-de-jatte, puis ressort. Nous approchons, nous convergeons. Cinq heures sonnent au clocher. Nous arrêtons, nous nous saluons. C’est lui, c’est le commandant...

Des nuages en kyrielles s’en vont parallèlement dans le ciel, et l’on dirait ces traînées de foin qui bordent la route du faucheur à travers ce pré...

J’examine les cas de conscience que me soumet le commandant et je les résous de mon mieux. De concert avec le capitaine qui commande l’avant-ligne, je porte quatre canons à hauteur de la ferme qui lui sert de point d’appui : ainsi le veulent et la situation générale, qui prescrit une attitude de défensive active, et la décision du chef de parti, qui est de provoquer l’adversaire et de l’attirer sur le terrain choisi.


Nous attendons longuement et nous ne voyons rien venir. Les éclaireurs à moi, poussés vers l’avant, ne m’envoient aucune nouvelle. Le premier renseignement vient de l’arrière, du chef de parti : tout le détachement ennemi a été vu il y a une demi-heure, rassemblé dans la clairière de la Martinière. Je serais d’avis de l’attaquer ; mais le capitaine de l’avant-ligne, en allumant sa cigarette, dit qu’il préfère attendre, Un autre renseignement fait connaître la présence de patrouilles dans les bois, sur notre gauche ; je détache de ce côté deux canons, qui surveilleront la clairière du Chêne-Vert, vais les poster et reviens. Un réseau de surveillance, — cinq gradés à cheval, — est tendu en avant d’eux, et j’ai une bonne communication avec eux par vélocipédiste.

Le premier coup de feu, juste devant nous, là d’où nous désirions l’entendre venir ; puis d’autres, à droite, dans les vignes ; un crépitement discontinu, qui se diligente davantage d’instant en instant. Un officier, monté sur une meule, a cru voir une avant-garde sortir des ormes. Ce renseignement se confirme :