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marches traînantes, il est bon de ranimer la troupe en sonnant un réveillon de coups de canon.

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Une inscription aux portes de Montargis :

« A la mémoire de Gaillard, qui, dans les combats livrés sous les murs de la ville, au mois de septembre 1427, s’empara du drapeau des troupes de Warwick. » Hier, sous Ladon et Maisières, nous rencontrions des monumens élevés à l’honneur des soldats français tués en 1870 à la bataille de Beaune-la-Rolande. Les invasions profondes, les grandes plaies nationales ont seules atteint la France jusqu’ici en ce cœur même du pays ; mais il est frappant d’en rencontrer sur le même terrain ce double souvenir et de passer dans la même étape d’un champ de bataille de la guerre franco-allemande à un champ de bataille de la guerre de Cent Ans.

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A Saint-Georges, l’hôte a servi un an au 82e d’infanterie, à Montargis. Il aimait fort les manœuvres, la marche ne le fatiguait pas. Au surplus, il avait de bons chefs et n’a pas à se plaindre du métier. A la Félines, nous trouvons un ancien mobile du Loiret, dont les souvenirs sont un peu brouillés. Il a servi sous Bourbaki et passé avec les débris de l’armée de l’Est en Suisse. Il eut les deux pieds gelés. Quel mauvais biscuit on mangeait alors ! Et la misère, et la vermine !

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La Saussaie.

Notre petite colonne file bien dissimulée dans un pays couvert ; les patrouilles de cavalerie n’ont pas éventé notre marche ; nous allons diligemment, cherchant la troupe ennemie que nous avons mission de surprendre et de mordre au flanc.

L’ordre qui m’arrive de doubler au trot l’infanterie qui continue au pas et de galoper « de ma personne » jusqu’au colonel, m’avertit que nous approchons. En effet, la voici devant nous, le colonel nous la montre, la malheureuse troupe surprise. Elle défile tranquillement sur la route, à cinq cents mètres, sans soupçonner les yeux méchans qui l’épient derrière cette haie. Le cœur se serre à l’idée qu’en guerre ce pourrait être ainsi, que