Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/599

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En prenant possession de leur charge, les évêques ont visité leur séminaire. Le plus souvent, ils ont trouvé les salles vides : parmi les aspirans au sacerdoce, les meilleurs sont partis. En 1792, il y a encore quarante élèves au séminaire d’Agen, trente à celui de Nancy, trente à celui de Digne : ce sont des exceptions. A Saint-Dié, il y a vingt élèves ; à Rodez, seize ; à Besançon, quinze ; il n’y en a que quelques-uns à Pamiers, à Périgueux, à Auch, à Troyes ; il n’y en a que deux dans les Ardennes ; à Clermont, à Angers, il semble que tout le monde se soit dispersé. Aux rares professeurs qui sont demeurés, il reste des loisirs. Et ils en usent. A Besançon, ils passent leur temps à la Société populaire. A Autun, le président du club est le supérieur du séminaire, et c’est lui qui rédige l’adresse pour la proscription des insermentés.

Dans les rangs éclaircis, les prélats cherchent anxieusement qui pourrait être appelé au sacerdoce. Peu de sujets, et de préparation insuffisante ou de moralité douteuse. Beaucoup d’évêques se refusent d’abord à l’avilissement du ministère sacré. Bientôt la plupart cèdent. Ils choisissent d’abord les médiocres ; puis, les scrupules se taisant et la nécessité faisant loi, ils s’abaissent jusqu’à imposer les mains aux indignes. Dans la Manche, l’évêque Becherel ordonne tant de prêtres et de si étranges que le peuple désigne les nouveaux élus sous le nom de prêtres de la fournée. A Troyes, Sibille, — tant est grande la disette, — songe à conférer les ordres à d’anciens commis des aides qui ont, dit-il, quelque instruction et sont susceptibles de contracter des habitudes de piété. Dans la Charente, deux musiciens de la cathédrale sont ordonnés, l’un de quarante et un ans, l’autre de quarante-huit ans. Dans l’Aisne, Marolles mande un sous-sacristain de l’église Saint-Roch, le fait un mercredi sous-diacre, diacre le vendredi, prêtre le samedi. Et les railleurs de dire : « Le sacristain a manqué de patience ; pendant que Marolles avait les mains chaudes, il l’aurait fait évêque le dimanche ! » Dans les correspondances officielles, la pénurie se constate, en des termes d’un badinage dédaigneux ou cynique. Un jour, les administrateurs de la Dordogne mandent à ceux des Deux-Sèvres qu’ils n’ont pas de prêtres pour les remplacemens : « Si vous êtes, ajoutent-ils, dans une situation meilleure, nous vous prions de nous procurer ce que vous pourriez avoir de reste. » Et les gens des