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et le bouleversement des habitudes parisiennes. Cette fois encore, on se soumit « aux arrêts de la capitale ; » ce fut le temps où les paysannes commencèrent à porter chapeau, où les bourgeoises se risquèrent rue de la Paix et où les élégans se firent habiller à Londres ; le temps encore où se créèrent, un peu partout, d’immenses bazars, dont les alléchans prospectus, imprimés à des millions d’exemplaires, allaient ébranler jusque dans les campagnes les fragiles sagesses féminines, par la reproduction, en séduisantes images, de falbalas mirobolans cotés moins cher qu’un tablier de cretonne ou un bonnet d’organdi ; le temps aussi, hélas ! où notre pays perdit, par ces causes, une part de ce qui faisait son pittoresque, sa grâce et son originalité.

Le fléau n’était pas de ceux qu’on endigue. Dans les vingt années qui précédèrent la guerre, il opéra des ravages. Comme si l’on eût ignoré « qu’il n’y a pas de place au sommet pour tout le monde, » nui ne consentait à être « moindre. » On se poussait dans « le beau monde ; » on voulait recevoir aussi luxueusement qu’on était reçu, sans souci ni lassitude de l’affreuse banalité qu’occasionnaient cette égalité de niveau et cette similitude de prétentions. Ce délire de parité a produit ce phénomène architectural que tous les appartemens de toutes les maisons, bâties depuis quelques années, sont établis sur le même modèle. Les archéologues de l’avenir s’effareront devant ces immeubles aux proportions cyclopéennes, divisés en compartimens dont la distribution varie, il est vrai, suivant la disposition du terrain, mais dont la décoration est partout pareille : ils ne s’expliqueront pas que, dans ce pays, réputé naguère pour son ingéniosité, une époque fut où aucun habitant, de quelque prix qu’il payât son loyer, ne supportait de n’avoir point, comme son voisin d’au-dessus, d’en face, d’au-dessous, d’à côté, des moulures à la grosse, des portes à petites vitres, des lambris de plâtre simulant la boiserie de façon à n’illusionner personne. De modestes rentiers, dans un appartement de 3 000 francs, vous ont une galerie, — une galerie ! — moins vaste que l’armoire à linge de leur grand’mère : cela s’appelle '‘eonfort moderne et cela joue la richesse, sans aucune des qualités du rôle. « Un logis qui ment depuis les bourrelets de la porte jusqu’aux cendres du foyer ; partout la singerie de l’opulence et du luxe, nulle part le vrai beau qui est le simple. Du stuc qui imite le marbre, du papier qui imite l’ébène. Frottez, ça