Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 39.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

développer d’anciennes colonies dans l’Afrique du Sud-Ouest, en Chine à Kiao-Tchéou, aux îles Carolines et sur les rives de l’Euphrate et du Tigre, de telle sorte que le bras allemand allait atteindre les régions les plus lointaines et que nulle part un intérêt allemand ne pouvait être lésé impunément.

Portant ensuite ses regards sur l’intérieur de l’Empire, le prince de Bülow avait étudié le passé politique du peuple allemand, les divers groupes et intérêts des partis, le Conservatisme, le Libéralisme, le Centre, le Socialisme et la politique du Bloc. Envisageant après cela les grosses questions économiques, il avait considéré la situation de l’Industrie et de l’Agriculture, ainsi que la politique douanière de l’Allemagne. Enfin, abordant la question des Marches de l’Est, il avait célébré « la mission civilisatrice » qui avait conduit les Allemands au delà de l’Elbe et de l’Oder vers l’Est, mission regardée par lui comme la plus grande et la plus heureuse qu’eût entreprise son pays. Dans sa confiance en la puissance inouïe et la prépondérance de l’Allemagne, le prince de Bülow n’avait pas prévu les déceptions auxquelles l’Empire allait s’exposer. Il avait écrit son livre, en 1914, avec une assurance orgueilleuse et avec la persuasion que l’œuvre de Bismarck défierait à jamais les assauts des ennemis les plus forts et les morsures du temps. Pour lui, l’Allemagne avait le droit et le pouvoir de faire désormais une vaste politique mondiale sur la base inébranlable d’une situation sans pareille en Europe, c’est-à-dire de s’assurer l’hégémonie en tout, partout et sur tous. Le travail bismarckien lui avait ouvert les portes de cette politique et elle s’y jetait avec une ardeur et une foi absolues, pour sortir des limites étroites où elle avait été enfermée et se mouvoir à l’aise dans un monde plus vaste. Ses ambitions étaient immenses, et elle les croyait d’avance justifiées.


Ce que l’auteur faisait entrevoir dans le livre de 1914, il le met en pleine lumière aujourd’hui dans la nouvelle édition remaniée et complétée de la Politique allemande [1] que son éditeur enthousiaste appelle, dans une réclame retentissante : Das Buch der Zeit, — le Livre de l’Epoque !

  1. Die Deutsche Politik, 1 vol. in-8 avec portrait, Reimar Hobbing ; Berlin, 1916.