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Sans lui attribuer une importance exagérée, il faut cependant reconnaître que cette édition nouvelle, encore peu connue en France, mérite une attention toute particulière. La politique de l’Allemagne, en face des événemens actuels, après trente-deux mois de guerre, s’y révèle en effet dans toute sa réalité, je puis même dire, dans tout son réalisme. Ce que le prince de Bülow ne voulait ou n’osait pas avouer avant les hostilités qui embrasent aujourd’hui le monde entier, maintenant que les dés de fer ont été jetés sur l’échiquier fatal, maintenant que les vitres du temple de Janus ont volé en éclats et que tout ménagement à l’égard des diverses Puissances est devenu chose inutile, il le dit ou le fait entendre clairement. Nous allons donc étudier avec soin ses nouvelles déclarations et chercher à en tirer profit.

Dans la préface de l’édition actuelle, le prince de Bülow remarque qu’il y a deux ans l’Empire allemand avait derrière lui quarante-trois années de paix et pouvait espérer encore une longue période pacifique. Toutefois, dans la politique européenne, il restait nombre de questions importantes à résoudre que lui-même reconnaissait avoir examinées dans son passage aux affaires et que, depuis 1910, il avait continué à suivre dans ses études diplomatiques. Tout en affectant des vues pacifiques, le prince avouait que la guerre avait failli plus d’une fois éclater. Au moment où s’était présentée l’affaire de la Bosnie, c’est-à-dire en 1908 et en 1909, la situation internationale, au point de vue du groupement des Puissances, avait été la même que la situation d’où jaillit la guerre actuelle.

M. de Bülow croit pouvoir affirmer que la diplomatie, par l’habileté de ses ressources et de ses négociations, était arrivée à conjurer le péril, au moins momentanément. Il avait même été jusqu’à penser que la perspective des horreurs d’une guerre européenne déterminerait les hommes d’État à chercher la solution pacifique des conflits possibles. « Cet espoir a été déçu, dit-il. La querelle renouvelée entre l’Autriche et la Serbie, qui ne put être localisée et qui devait amener un bouleversement européen, jeta, l’un contre l’autre, les deux grands groupemens qui s’étaient formés de nos jours, en se fondant sur l’antagonisme de leurs intérêts en Europe et dans le monde. » L’ancien chancelier se garde bien de reconnaître que l’Allemagne imposa sa volonté à l’Autriche-Hongrie qui hésitait encore à déclarer la guerre. Il sait bien pourtant que, si le conflit n’avait pu être