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et de science, de prudence et de valeur. » Il convenait d’éveiller l’intérêt politique du peuple par une action énergique, résolue dans le sens national, grande dans ses ambitions, énergique dans ses moyens. Pour cela il fallait amener son attention constante sur les grandes et petites questions de la vie de l’Etat, au lieu de ne le faire rapidement que lors des luttes électorales, à des intervalles de plusieurs années. L’indifférence indolente à cet égard n’était plus admissible.

Reprenant ce thème dans la nouvelle édition, M. de Bülow dit en forme de conclusion nouvelle : « L’indifférence en matière de politique intérieure et surtout en politique étrangère n’est plus de mise aujourd’hui. Or, simple affaire de goût personnel chez nous pour un petit nombre d’intelligences, la grande politique est pour la majorité la terre inconnue. Il n’est pas de peuple qui incline aussi nettement que les Allemands à compter en politique étrangère avec ses sympathies et ses antipathies, avec l’amour et la haine. De même, il n’est pas de peuple qui incline aussi nettement à fonder la politique étrangère sur les principes de la morale bourgeoise ou de l’honnêteté privée, sur de pures abstractions et des idées préconçues. » Ce jugement ne manque pas d’audace, car ce que nous savons de la politique étrangère des Allemands en France, en Italie, en Angleterre, en Russie, en Chine, aux Etats-Unis et ailleurs, n’a rien de commun avec l’honnêteté et la morale. Il serait facile d’en donner ici de nombreux exemples, mais les gens les moins avertis en connaissent plus d’un.

Raillant l’abbé Sieyès qui a dit : « Les principes sont faits pour l’école, les Etats se gouvernent suivant leurs intérêts, » maxime qu’aurait acceptée le prince de Bismarck [1], M. de Bülow affirme que les Allemands sont exposés sans cesse par leur tempérament à juger des choses de l’étranger par le cœur plutôt que par la tête, et c’est ce qui explique « leur manque de psychologie. » C’est ce qui fait aussi que cette difficulté à entrer dans la mentalité des autres, les rend peu sympathiques à tous ceux qui ne sont pas Allemands. Peu de diplomates en Allemagne ont, comme disait Bismarck, l’art de manier les individus et les peuples, prendre, traiter, conduire les

  1. Le chancelier de fer s’est plu en effet à émettre nombre de maximes politiques qu’aurait signées Machiavel, comme celle-ci : « Tous les traités de paix du monde constituent un provisoire qui n’a qu’une valeur momentanée. »