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De biais, ensuite, après les dernières toitures, se dessinait l’enceinte de la place d’armes : tours nombreuses et plongeantes sur le val, secteurs de courtine aux flanquemens répétés. Enfin, vers le musoir extrême, s’accusait le château, et dans le château le donjon, toujours accaparant le regard, aboutissement logique et calculé de tant de défenses successives, à conquérir et à maîtriser, avant d’atteindre son armure à lui, sa ronde et imbrisable cuirasse de pierre.

Ailleurs, à l’Occident, dans le vallon où s’abritait le village de Coucy-la-Ville, c’est à la fin du jour qu’il convenait de se poster. Ce vallon du village, avec le ruisseau qu’il enferme, détache du plateau, du côté où il s’y creuse, comme le ravin de Moyembrie sur l’autre flanc, le palier saillant qui porte le château, la place d’armes et la cité. On entrevoyait, de ce point, la montée de la route accédant à la porte de Chauny. Entre les arbres, du bord du rû, le regard était happé par le donjon, mieux dégagé de là que de partout ailleurs. Il s’élançait de toute sa hauteur démasquée. Lorsque, l’heure s’avançant, des assemblages mobiles de nuées, venues lentement de la mer, laissaient glisser entre eux l’astre penchant vers l’horizon, de longues épées de lumière venaient effleurer son pourtour. Quand le vallon se faisait noir, la dernière s’attardait encore à la couronne ajourée de son faîte.

Rien de tout cela ne survit. Donjon, château, ville, ne sont plus qu’une carrière de cailloux, variée çà et là d’un pan de mur. On dit qu’aux alentours, comme après l’éruption d’un volcan, une couche de poudre blanche, de pierre pulvérisée, s’est étalée sur le sol, couvrant de son manteau le squelette des vergers et des bois, le sol stérilisé des herbages et des labours, pareille à la cendre qui vient s’abattre à la base calcinée du Vésuve ou de l’Etna.


Imaginons quelque visiteur, par choix et par goût, passant à pied, naguère, une porte de la cité, la porte de Laon, sa barbacane chevauchant l’isthme, son couloir et sa voûte. La ville traversée, les vestiges d’une porte finale aperçus et franchis, un fossé nouveau tranchait de part en part, comme un canal à sec, la largeur totale de l’éperon. Une autre muraille encore, et sa redoutable porte. On pénétrait dans la place d’armes, dans