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trois de gueules, dont les reflets et l’éclat rouge rappelleront la teinte de l’étoffe qui drapait le chevalier d’Occident, quand sonnèrent les trompettes de bataille, en ce jour de victoire sur le Turc, vers Nazareth ou Jérusalem.

Trois générations passent. Le donjon du Louvre vient de surgir, le plus large et le plus haut connu au bord royal de la Seine. Le sire de Coucy, qui n’est ni duc, ni comte, veut surpasser le Louvre. Et le donjon de son château neuf, sur un cap du Laonnais, se met à pousser une à une ses assises. Enguerrand III, Enguerrand le Grand, démolit la forteresse ancienne dont un archevêque de Reims avait bâti le tout premier type. Reprenant à nouveau le thème de fortification du promontoire et du palier, de leurs pentes et de leurs approches, il crée d’un coup le Coucy qui vient de mourir. Conçue d’ensemble, élevée d’un seul jet, avec des ressources immenses et renaissantes, l’œuvre s’achève, peut-on croire, vers le second quart du treizième siècle.

Alors, de la vallée comme de la ville, autour du donjon dont montait la blancheur ronde, on put voir s’enrouler, comme une hélice débordante, un chemin suspendu sur le vide, s’élevant avec la tour et comme elle en marche vers le ciel. De solides madriers, engagés sur une portion calculée de leur longueur dans une série d’alvéoles réservés pour eux, soutenaient puissamment sa montée. Le long de cette route aérienne à pente régulière et praticable, collante à la paroi courbe qui fuyait sous elle, circulaient les hommes, les animaux de bât, les petits chariots chargés de pierres de taille. Un tel système élévatoire permettait une construction homogène et suivie. L’œuvre parachevée, la dernière assise posée, tout l’appareil, démonté, reprenait la direction de la terre. Les madriers de support, scellés dans la maçonnerie pleine, étaient sciés au niveau de la surface extérieure. Avec les ans, leurs tronçons prisonniers tombaient en poussière, et les pigeons de muraille, les remplaçant dans les creux du parement, y venaient poser au printemps, comme des oiseaux de falaise, les brindilles sèches de leurs nids.

Enguerrand III, dans le château de Coucy qui montait, rêva peut-être la couronne. Les difficultés qui marquèrent la minorité du fils de Blanche de Castille parurent lui offrir l’occasion de dominer la régence et le pouvoir. On assure qu’à sa cour