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au point de vue de la trame de la légende ou des personnages qui s’y trouvent mêlés, modifiée par des variantes, soit qu’on l’attribue à d’autres poètes ou chevaliers, soit qu’on y incorpore des élémens tirés du roman non moins célèbre de la Châtelaine de Vergy, a défrayé le conte, la nouvelle et le théâtre. L’existence réelle de l’œuvre du châtelain de Coucy, la supposition, purement gratuite d’ailleurs, que sa partenaire ait pu connaître aussi le don de poésie, ont contribué largement à propager la renommée de l’un et de l’autre, sous quelque nom qu’on les désigne, et à la renouveler d’âge en âge.


Le châtelain de Coucy est donc amoureux de la dame de Fayel. Il se déclare un soir, chez elle, après une visite au château, où il fut retenu à dîner, le seigneur de Fayel étant absent. Des joutes et des fêtes, opportunes, multiplient les motifs d’entretien, de cour discrète et progressante. Le verger du manoir possède une petite porte qui donne sur le bois : par là, moyennant la chambrière, le châtelain gagnera la pièce bien close où l’attend l’objet de ses vœux. Incidens variés, épreuves, triomphe. L’amant récite ses gracieux poèmes. Cette vie de bonheur s’organise et se prolonge.

Mais une femme veillait, une dame du pays, belle et bien née, sensuelle aussi, qui macérait dans la jalousie. Elle révèle tout au mari. La chambrière sauve la situation. Cousine germaine de sa maîtresse, elle se sacrifie pour détourner les soupçons. Inventions variées des deux amans, comme à la cour du roi Marc, en Cornouaille. Renaud, méconnaissable sous des bandages, soi-disant écuyer blessé sur la route, se fait hospitaliser au château. La dame, en pèlerinage avec son époux, se laisse choir de cheval, au passage d’un gué. On la soigne au moulin, dont le meunier n’est autre que l’écuyer de naguère. Enfin le seigneur de Fayel, plus ou moins renseigné, trouve un moyen décisif. Il se croise, et demande à sa femme de l’accompagner en Palestine. Elle accepte, concertant le voyage, chose facile à prévoir, avec le troisième pèlerin que l’on devine. Mais le châtelain une fois engagé par serment solennel, et la croix consacrante cousue sur son vêtement, le maître de la dame se fait reconnaître malade et délier de son vœu.

Renaud, fidèle à sa parole, part solitaire et désespéré. Le