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Au delà de l’Omberg, une plaine étendue part du lac. A voir toutes les églises blanches et toutes les fermes rouges qu’elle étale, on devine une terre riche et ancienne ; là en effet les premiers missionnaires se sont arrêtés, et c’est de là que le christianisme s’est répandu parmi les Suédois. Les Cisterciens y ont fondé un couvent, Alvastra, non pas tout au bord du Vetter, mais à cinq ou six cents mètres, dans un endroit mélancolique abrité par des arbres que l’on dit être sortis de graines apportées de France. On voit encore au milieu des herbes et des buissons la base des piliers épais de l’église. Le mari de sainte Brigitte, Ulf, est mort dans ce monastère ; elle-même s’était établie à peu de distance pendant le temps qu’il a passé à Alvastra. Sur l’emplacement de la chaumière où a vécu la sainte, l’antichrétienne et généreuse Ellen Key a fait bâtir la maison qui abrite ses jours paisibles. Cette voisine de Heidenstam, comme lui une des premières figures de la littérature suédoise contemporaine, a exercé, un peu avant lui, une influence aussi grande, sinon plus grande ; malgré la différence de quelques-unes de leurs idées, ils entretiennent des relations d’une chaleureuse amitié.

De l’autre côté du lac, se trouve un château, Ulfhammar, qu’on écrit aujourd’hui Olshammar, où sainte Brigitte et son mari ont demeuré ; la chapelle est située au lieu même où se trouvait celle que la sainte avait construite. C’est là qu’est né Verner de Heidenstam le 6 juillet 1859 et qu’il y a grandi. Sa famille appartenait à la bonne noblesse ; elle a donné à la Suède des militaires, des médecins et des diplomates. Fils unique, de caractère sauvage, il passa son enfance au milieu d’impressions d’une nature peuplée de fantômes du passé, à laquelle il se livrait tout entier. Une grand’mère qui goûtait la poésie lui faisait lire les lyriques suédois. Il semble qu’aucune influence chrétienne ne se soit fait sentir dans son éducation. Il était délicat ; il ne put achever ses études et, en 4876, il fut envoyé dans le Midi de l’Europe. Accompagné d’abord d’un cousin plus âgé que lui, il parcourut l’Italie, l’Egypte, la Grèce, la Palestine. Cette vie errante dura des années ; il ne revenait en Suède que pour de courts séjours. Il voulait être peintre ; il dessina et peignit à Rome, puis travailla en 1881 à notre École