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lumière du soleil ; on entend sa voix. Elle salue le jour qui se lève ; elle chante des poèmes, elle est admirée. Faut-il que les frères en deuil brisent leurs flûtes ? Chante-t-on devant les morts ? Et pourtant, pourraient-ils oublier celle qui était leur bien-aimée, qui était tout pour eux ? Voilà que de leurs flûtes ils font un brancard ; ils lèvent la morte sur leurs épaules. Ils la portent au seuil de la maison où le vent du matin et les premiers rayons de l’aurore colorent ses joues. La vierge n’est pas morte ; elle dort.


Cet attrait qui avait rappelé M. de Heidenstam vers la Suède, qui lui faisait aimer son âpreté, sa dureté, sa stérilité, le ramenait aussi à son histoire et, dans son histoire, à l’époque où peut-être les Suédois avaient le plus souffert. C’est dans cette époque qu’il choisissait le sujet de l’ouvrage qui allait consacrer sa réputation, les Carolins. La Suède de Charles XII, telle que la voyait Heidenstam, c’était beaucoup de souffrance mêlée à beaucoup de gloire. Plus que la gloire, ce qui l’intéressait, c’était la grandeur morale et l’esprit de sacrifice qu’avaient montrés ses compatriotes. Artiste avant tout et toujours, il avait cherché autrefois la beauté extérieure ; maintenant, ce qui lui paraissait beau, du point de vue même de l’art, c’était le courage et le don de soi pour quelque chose qui est au-dessus de soi, la patrie. Celle-ci s’incarnait alors dans un roi qui se regardait et que son peuple regardait comme l’instrument de Dieu.

Nous pensons naturellement, à propos des Carolins, à l’Histoire de Charles XII qui leur ressemble si peu. C’est un brillant portrait de jeune conquérant ; le peintre s’est efforcé de le tracer avec autant d’exactitude qu’il lui a été possible en se servant du témoignage de personnes qui avaient approché son héros. L’audace, le courage, l’insouciance sont les traits du caractère de Charles XII que fait ressortir Voltaire : on les retrouve dans Heidenstam ; en dehors de ceux-ci, il n’y a évidemment rien de commun entre l’histoire spirituelle du Français et le roman épique du Suédois.

Le nom de Carolins est celui que l’on donne en Suède aux compagnons de Charles XII pendant ses guerres. Le livre de Heidenstam est une épopée en prose ; la forme de nouvelles