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de l’abbé d’Aubignac, Frédéric-Auguste Wolf n’eût point écrit ses Prolégomènes. Le maître éminent. le grand professeur est un plagiaire impudent. Voilà ce que vient de prouver M. Victor Bérard, dans un essai qui est un chef-d’œuvre de sûre dialectique : Un mensonge de la science allemande, Les Prolégomènes de Frédéric-Auguste Wolf.

En son latin, que traduit M. Bérard, Wolf écrit : « Je n’établis pas cette discussion pour persuader ceux que la seule réalité n’aura pas convaincus ; je ne désire moi-même qu’être convaincu par de plus fins esprits, en cas d’erreur ou de mauvaise méthode… Quand j’aurai compris que mes idées ne sont pas admises des érudits, qu’elles sont renversées par des argumens de poids et rationnels, je serai le premier à les rétracter. Car en ces lettres (profanes)… » Ou : en fait de littérature… « la recherche de la vérité ne doit s’effrayer de rien qui puisse être contre l’opinion commune ; et, quand l’histoire se tait ou bégaie, chacun doit souffrir de bonne grâce d’être vaincu par des esprits plus vifs et plus adroits à mieux interpréter les obscurités de la tradition et les incertitudes des faits transmis. Sur cette première époque des origines homériques, nous n’avons que de si faibles lueurs ! » Voilà ce que Wolf écrivait en 1795. Et d’Aubignac : « Nous n’avons aucune tradition qui nous ait apporté l’histoire (de ce poète) d’écrivain en écrivain, depuis le temps de la guerre qui se lit en ses vers jusques au nôtre… Le silence d’un si long cours d’années a tout abîmé dans un oubli général, ou, du moins, il est resté si peu de chose qu’on ne peut en avoir aucun témoignage assuré. Chacun peut, dans cette question, penser ce qu’il voudra et mettre hardiment au jour ce qu’il pensera. J’aurais grand tort de me fâcher si quelqu’un me contredisait, puisque j’ose bien contredire tous les autres ; et qui me montrera la vérité que je n’aurai pas connue m’accordera une faveur dont je le remercierai quand il l’aura fait de bonne grâce… » L’analogie de ces deux passages est manifeste ; et, si l’on observe qu’ici l’auteur des Conjectures n’avait rien dit de si important que le larcin fût abominable, sans doute : néanmoins, il est évident que Wolf écrit sous la dictée d’un souvenir assez proche. Il met d’Aubignac en latin de professeur allemand. Plus d’une fois, M. Bérard, qui le cite en latin, note qu’il ne saurait le traduire sans reprendre les mots des Conjectures. Et les idées de Wolf, ce sont les idées de d’Aubignac. Sans les Conjectures, pas de Prolégomènes !

On répondra que la science n’est pas l’œuvre d’un seul érudit. L’abbé d’Aubignac avait commencé la besogne, et Wolf la continue. Au surplus, Wolf ne se cache pas d’avoir lu son devancier : « Je l’ai