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Français : l’abbé d’Aubignac, Perrault, La Motte, etc. hommes d’esprit, mais absolument dénués de science et de raison. Wolf, qui a traité son sujet en savant consommé, ne veut pas être confondu avec des gens qui parlent de ce qu’ils n’ont pas même pris la peine d’étudier. » M. Victor Bérard se demande si Alexis Pierron, d’autre part, avait pris la peine d’étudier, ou seulement de feuilleter les Conjectures de l’abbé d’Aubignac. Et lisez les Conjectures, lisez les Prolégomènes, — ce n’est pas un travail immense ; — et lisez Sainte-Beuve, pour votre récompense : dans les Portraits contemporains, un article de 1843, sur Homère ; et, dans les Nouveaux lundis, un article de 1865, sur l’Histoire grecque de George Grote. Vous aurez, je crois, la certitude que Sainte-Beuve, si curieux pourtant, n’avait pas lu d’Aubignac. Tant avait réussi le coup de Wolf !...

Les inepties de d’Aubignac ? Reportons-nous au texte de Wolf. Il accuse l’abbé de considérer l’Iliade et l’Odyssée comme des recueils de chansons telles qu’en débitent par les rues les mendians et bateleurs : « à la manière des chansons du Pont-Neuf. » Ces mots, en français dans le latin de Wolf, ont l’air d’une citation. Mais d’Aubignac ne dit rien de ce genre. Puis Wolf accuse d’Aubignac d’avouer, dans sa préface, « n’avoir jamais tiré le moindre profit de l’étude des lettres grecques. » La phrase n’est pas claire ? Et Wolf la préférait ainsi. Telle que la voilà, elle vous invite à mépriser le futile Français qui épilogue sur Homère et confesse qu’il ne connaît rien à la littérature grecque. Cherchons, dans les Conjectures, l’aveu méprisable de ce Français. Dans la préface des Conjectures ? Il n’y a point de préface aux Conjectures. Mais, au commencement des Conjectures, d’Aubignac dit que, pour juger les poèmes d’Homère, il évitera de louer les beautés du langage : « Nous en ignorons toutes les grâces, nous n’en savons pas les délicatesses... Nous ne savons point au vrai comment les Grecs prononçaient leurs lettres... comment ils récitaient leurs vers, car ils avaient encore des syllabes longues et brèves, et ils avaient encore des accens qui changeaient la manière de prononcer... Ceux donc qui estiment la langue grecque, la regardent dans leur imagination. Ces amateurs du grec se font une idole d’une illusion qui leur plaît pour l’avoir acquise avec beaucoup de peine. Pour moi, je n’ai point trouvé dans cette langue ce que j’y cherchais et je ne puis comprendre ce que les autres y ont trouvé... » Conséquemment, d’Aubignac, dans son examen des poèmes homériques, ne fera pas état de la langue, de ses beautés « sensibles, » de son harmonie, de ses qualités musicales. Il a tort ? Du moins, cette réserve, ou cette