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Il va déprécier le plus grand nom de la poésie antique ; on l’accusera de « malignité : » mais il répond que tout simplement il offre les résultats d’une « recherche honnête et curieuse. » Le bon apôtre ! « Je prétends écrire seulement pour me décharger l’esprit des difficultés qui me font de la peine... » Le gracieux patelinage, aux fins de préparer joliment l’impertinence.

Qu’il y ait, dans le propos de ce bonhomme, une partie de gageure, et de quelle sorte, un passage des Conjectures l’indique. Il vient de citer Montaigne, lequel « tient qu’il n’y a point de vision si bourrue et si éloignée de la vérité, que l’on ne puisse faire venir à son sens, de biais ou de droit fil. » Et moi, dit-il à peu près, sans me vanter, je ne suis malhabile en tels exploits : « J’ai donné quelquefois l’interprétation des enchantemens d’Amadis, avec tant de convenance qu’il était vraisemblable que l’auteur les avait imaginés ainsi... J’ai une fois expliqué sur-le-champ la seconde églogue de Virgile, touchant l’amour de Coridon envers le bel Alexis, comme Une description de la passion d’un curieux qui désire connaître le Soleil, à l’exemple d’Endymion amoureux de la Lune. Et j’ai des témoins qu’un jour, dans une conversation imprévue, je fis un corps entier de philosophie d’amour, en quatre parties selon l’ordre de nos écoles, avec un rapport si juste et si surprenant qu’il eût fallu peu de travail pour en achever un ouvrage d’importance ! « Il a écrit les Conjectures afin de pouvoir dire : — Et j’ai des lecteurs qui savent qu’en trois cents pages de dialectique industrieuse je prouve, s’il vous plaît, qu’Homère était un mauvais poète et qui n’a point existé !...

La plaisanterie, dans les Conjectures académiques de l’abbé d’Aubignac ? Mais Usez les Conjectures : « Achille pleure amèrement pour la perte de sa belle mignonne, qu’il avait rendue sans résistance ; et Thétis vient du fond de la mer, pour le consoler, et monte au ciel solliciter Jupiter en faveur de son fils : par malheur, les dieux étaient allés en Ethiopie faire débauche... Jupiter a de bonnes intentions pour ce héros ; mais il n’ose en parler devant sa femme Junon, tant il craignait cette diablesse de divinité féminine... Pallas n’est qu’une friponne qui trompe Mars ; et Mars est un grand sot de se laisser tromper... Mars, le dieu de la guerre, quand il est blessé par Diomède, que fait-il ? Vous pensez qu’il va se venger sur Diomède, lui donner cent coups, l’égorger, l’assommer, l’écraser ? Il se contente de crier bien haut, monte en carrosse paisiblement et va dans les cieux se plaindre à Jupiter son père ; et, pour parler plus sérieusement, il