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Nul mot ne peut rendre l’impression de cette litanie d’honneur. Les Puissances sont là, non pas seulement représentées, mais présentes. Et pourtant ce qui donne tant de majesté et de pathétique à la scène, c’est une autre présence, invisible celle-là, qui s’impose à la pensée de tous les assistans. On la cherche des yeux, et, sans la voir, aucun doute n’est possible : elle est là. La ville s’est faite esprit : elle est au milieu de nous. La ville, non pas seulement ses remparts et ses maisons, la cité militaire et la cité civile, non pas seulement son corps troué de cent mille blessures, mais son âme, c’est-à-dire les milliers d’hommes accourus de tous les points de France, tous ceux qui, pour elle et devant elle, ont tenu dans les ravins, sur les collines, dans les villages, dans les forêts, partout où elle était menacée, ceux qui ont tout supporté pour elle, les rigueurs des saisons et les supplices du fer et du feu, les cruautés de la nature et celles, bien pires, de l’ennemi, et tous les morts enfin, qui resteront à jamais couchés dans cette terre de Meuse dont leur chair aura fait une terre sacrée...

Le cérémonial s’accomplit. Une à une, les décorations sont épinglées sur le coussin qui est présenté par le magistrat municipal de Verdun. Voici la croix d’émail blanc de Saint-Georges, portée par un ruban rayé noir et orange, et la Military Cioss d’argent, au ruban blanc et violet. La médaille d’or de la Valeur militaire, aux armes de la maison de Savoie, avec l’inscription : Alla citta di Verdun 1916, est suspendue à un ruban vert ; à un ruban rouge la médaille d’or de la Bravoure militaire de Serbie. Voici la croix de Léopold Ier, au ruban amarante, et la médaille d’or Ohilitch du Monténégro, aux couleurs nationales : rouge, bleu et blanc. Voici enfin notre croix de guerre et notre Légion d’honneur. Les chefs des missions étrangères se sont rapprochés et passent les insignes au Président de la République française qui les fixe lui-même. A chaque remise de décoration, la fanfare des chasseurs joue les premières mesures de l’hymne national du pays qui l’a conférée. Puis le tumulte de la Marseillaise emplit la voûte.

L’hommage à Verdun ne serait pas intégralement rendu si le grand-maître de la Légion d’honneur ne remettait encore la plaque de grand-officier au général Nivelle, commandant de la IIe armée, comme il l’a remise le 1er mai au général Pétain. Il donne lui-même lecture de la citation : « Commande, depuis