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la préparation minutieuse qui prévoit et force la chance. « J’aimerais mieux, a-t-il dit encore, ne rien faire que d’engager une opération qui serait mal préparée. »

L’attaque frontale d’un adversaire posté à travers un terrain découvert est, à la guerre, une des manœuvres les plus hardies. L’histoire nous montre la rareté de son succès, La ligne ennemie en avant de Douaumont et de Vaux représente un ensemble de positions formidables. Où l’assaillant trouvera-t-il le secret de sa supériorité ?

Le commandement n’a pas cru indispensable de la rechercher dans le nombre. Par son deuxième bureau d’état-major, il connaît très exactement le chiffre et la valeur des unités allemandes qu’il a devant lui sur le front qu’il veut attaquer entre Thiaumont et la Laufée : 21 bataillons en première ligne, 7 en soutien, 10 en réserve. Il sait pareillement le nombre de bataillons qui, derrière ces troupes, peuvent être alertées et alimenter le combat. Il ne mettra lui-même en ligne que trois divisions : la division Guyot de Salins, composée de zouaves, de tirailleurs et de marsouins, la division Passaga et la division de Lardemelle, — fantassins et chasseurs à pied, — la première renforcée du 11e régiment d’infanterie, et la dernière d’un bataillon du 30e. Mais il aura sous la main les réserves suffisantes, prêtes à relever en cas de nécessité les divisions d’attaque sur le terrain conquis et à assurer, soit son occupation définitive, soit la progression ultérieure, plus deux divisions en réserve d’armée. Ces troupes ont précédemment occupé le secteur Thiaumont-Fleury-Vaux-Chapitre : elles connaissent donc le terrain et l’adversaire. La division Guyot de Salins depuis près de deux mois, les deux autres depuis plus de trois semaines, ont été retirées du front et mises au repos et à l’instruction dans la zone des étapes, en arrière de Bar-le-Duc. Cette instruction, après les avoir remises en main, les a préparées directement au but poursuivi. Un terrain a été aménagé qui figurait le terrain de combat. Un plan du fort de Douaumont y fut même dessiné si exactement que, lorsque le bataillon chargé de prendre le fort y parviendra, chaque soldat gagnera presque machinalement le poste qui lui aura été assigné. A la supériorité du nombre le commandement a préféré la supériorité de la valeur individuelle, de la valeur morale et de l’habileté technique.