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de courts réglages, l’artillerie entreprend son œuvre de mort. Le jour est arrêté ; les troupes d’attaque partiront le mardi 24 octobre. L’heure sera fixée ultérieurement.

A la mairie de X... le général et son état-major ont achevé l’œuvre de préparation.


III. — LE CARREFOUR
(22-23 octobre 1916)

Sur la route de Bar-le-Duc à Verdun, à quelques kilomètres de la ville et de la Meuse, un carrefour a été aménagé pour le tournant des camions automobiles. Les troupes l’appellent le tourniquet. C’est là que les régimens amenés pour prendre part à la bataille et relever les camarades en ligne descendent de voiture pour gagner leur secteur à pied.

La route de Bar coupe à angle presque droit la route de Sainte-Menehould à Verdun. Ce vallon, que pressent des pentes couronnées d’arbres, s’en va d’un côté vers l’Argonne, de l’autre vers le fleuve. Les pentes portent des villages improvisés, bâtis en planches, — cantonnemens, magasins ou ambulances, — des écuries ouvertes, des abreuvoirs. Ce n’est qu’un rappel des travaux de construction prodigieux effectués dans toute la région pour supporter le poids de la bataille : voies ferrées, routes, gares, approvisionnemens, camps, hangars, aqueducs, etc. La guerre moderne exige des ingénieurs, des architectes, des entrepreneurs, des hydrographes, des forestiers, des charpentiers, des cantonniers, etc.

Les camions s’arrêtent, puis décrivent un cercle et vont à vide prendre la file pour le retour. Les hommes qui sont descendus se rangent par bataillons en masse dans les prairies voisines, si piétinées que l’herbe en a disparu, forment les faisceaux, boivent le café suivant l’heure ou mangent la soupe. Puis, en ordre, ils prennent le chemin de Verdun qu’ils vont contourner pour atteindre à la nuit les boyaux d’accès. En s’éloignant, ils dessinent de petites lignes bleues, bientôt confuses, et l’on dirait sur la terre brune une fumée légère au bord des bois déjà dépouillés à demi.

Je n’ai jamais passé là, — et combien de fois en ai-je eu l’occasion ! — sans m’arrêter pour regarder ces départs. De ces soldats qui vont et viennent au repos, allument le feu, l’alimentent