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de bois mort, font la cuisine, se groupent entre amis pour avaler la soupe ou le café, fument, plaisantent, insoucians, ou s’isolent pour sortir de leur musette une feuille de papier à lettre et la remplir d’un crayon rapide et appliqué, avant de reprendre leur fourniment et leurs armes au signal du commandement et de marcher ils savent où, — de ces soldats tous les visages parlent, les uns jeunes, les autres mûrs, tous bronzés, poussiéreux, tendus, beaux et divers comme le sol de France. Parmi eux il y en a de désignés pour la patrie. Tous ne redescendront pas du secteur. Et tous y montent sans se détourner.

Il semble que cette fois le départ n’ait pas la même gravité : est-il plus insouciant ou plus confiant ? Il y a plus de gaieté dans les propos, sur les figures. Est-ce le pâle soleil d’automne qui détend les nerfs et caresse les yeux ? Un mot passe et repasse comme une paume qu’on se lance en manière de jeu : Douaumont. C’est si bizarre d’entendre le nom menaçant de la fameuse « pierre angulaire » ainsi traité familièrement ! Il semble qu’on aille à Douaumont, comme on va à Saint-Germain ou à Versailles. Une promenade, quoi, et un déjeuner sur l’herbe ! Voici des zouaves, et des tirailleurs, et des marsouins. C’est la division Guyot de Salins qui achève de débarquer. Elle ne doute pas une minute de la conquête de Douaumont. Quel feu et quelle certitude ! Les marsouins, surtout, ne cachent pas le but qui leur est fixé. Douaumont est devenu leur propriété, leur villégiature. Malheur à qui voudrait le leur enlever ! Tout de même, il leur faudra le prendre.

Le général de Salins connaît ses hommes et sait leur parler. Breton d’Auray, il a beaucoup voyagé, beaucoup « roulé. » Il compte à son actif de nombreuses campagnes coloniales. Colonel à Madagascar, au début de la guerre, il a pu rentrer en France à la fin de 1914. Voici l’ordre du jour qu’il a adressé à sa division :


« L’heure est arrivée où, après avoir barré pendant huit mois la route de la France à notre ennemi séculaire et exécré, l’héroïque armée de Verdun va à son tour prendre l’offensive.

« A la... division, déjà illustre par ses brillans faits d’armes sur l’Yser, à la cote 304, à Vaux-Chapitre, à Fleury,