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Le général Mangin, qui commande les troupes d’attaque, délibère avec le général Nivelle, commandant la IIe armée et le général Pétain commandant le groupe d’armées. La pensée de la bataille qui se livrera demain est là. Elle ne serait rien sans l’exécution : l’exécution n’est rien sans elle. Un plan de bataille se porte dans le cerveau comme celui d’une œuvre d’art avant de prendre forme. Il commence de se réaliser dans la préparation ; puis l’action commence. Elle a commencé le 21 octobre par l’entrée en jeu de l’artillerie ; jour par jour, le commandement a pu suivre les destructions. Ce 23 octobre, un incendie s’est déclaré dans le fort de Douaumont à la suite de l’éclatement d’un obus de 400. Les abris des carrières d’Haudromont à l’Ouest de la batterie de Damloup à l’Est, sont bouleversés. Les ravins sont fouillés et martelés. Une fausse attaque a invité l’ennemi à dévoiler toutes ses batteries qui viennent d’être reconnues au nombre de 150 environ, et dont plus de 60 ont pu être immédiatement et heureusement contrebattues. (C’est ce qu’il appellera dans son communiqué du 24 : briser les attaques françaises.) Les renseignemens d’avions et de ballons sont complets et concordans.

« On ne fait de grandes choses, écrivait Napoléon, qu’autant que l’on sait se concentrer tout entier sur un objet, et marcher à travers tous les contretemps vers un même but. » Marcher vers un même but à travers tous les contretemps : les trois qui, derrière ce rideau de toiles de tente, règlent les dernières dispositions pour l’attaque, ont poursuivi depuis des mois le même objet : mettre Verdun hors d’atteinte, et pour cela lui restituer la ceinture de ses forts et de ses collines.

Le soir du 25 février, quand il venait prendre son commandement sur la Meuse, le général Pétain fut accueilli par cette nouvelle : le fort de Douaumont est perdu. Le fort de Douaumont était pris, mais le village tenait. Dès le 26, l’ordre était donné de reprendre le fort. Mais l’ennemi, entré par surprise, s’y était déjà retranché. Le 27, les moyens matériels n’étaient pas à pied d’œuvre et il fallait barrer la route du village assiégé sans arrêt. Le 28, le lieutenant-colonel Joulia, qui avait préparé l’opération, était tué au moment de la conduire. Le 29, les échelles destinées au franchissement des fossés étaient brisées par le bombardement. La malchance s’acharnait contre Douaumont. Le général Pétain n’est pas homme à risquer inutilement